Un antidiabétique inhibiteur de SGLT2 (iSGLT2), la dapagliflozine, arrive en cardiologie. La molécule développée par le laboratoire AstraZeneca a fait ses preuves dans le traitement de l'insuffisance cardiaque (IC) avec ou sans diabète dans DAPA-HF, un essai randomisé contre placebo. Les résultats de l'étude, qui ont été présentés au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) à Paris début septembre, ont été publiés ce jour dans« The New England Journal of Medicine ».
Il s'agit du premier essai de phase 3 mené avec un médicament de la classe des iSGLT2 dans une indication en cardiologie. Jusque-là, les iSGLT2 avaient apporté la preuve d'un bénéfice cardiovasculaire en prévention de l'IC chez les patients ayant un diabète de type 2 (DT2).
Dans cette étude qui a inclus 4 744 patients ayant une IC à fraction d'éjection réduite (FEVG≤40 %), le critère de jugement était composite d'une aggravation de l'insuffisance cardiaque (hospitalisation ou consultation en urgence pour un traitement IV de l'IC) ou d'un décès de cause cardiovasculaire.
Moins d'aggravation de l'IC et de décès de cause cardiovasculaire
Au cours d'un suivi de 18,2 mois, la dapagliflozine 10 mg a permis de diminuer de 26 % la survenue du critère composite par rapport au placebo : une aggravation de l'IC ou un décès de cause cardiovasculaire ont été observés dans 16,3 % des cas dans le groupe dapagliflozine et dans 21,2 % des cas dans le groupe placebo.
Il faut rappeler que, dans l'essai DAPA-HF, la quasi-totalité des participants (94 %) étaient traités par ailleurs de façon optimale : inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou antagonistes du récepteur à l'angiotensine 2 (ARA2), bêta-bloquants, antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes, voire inhibiteur de la néprilysine ou défibrillateur implantable.
En décomposant le critère principal, l'analyse révèle une diminution de 30 % du risque de premier épisode d'aggravation de l'IC (10,0 % pour groupe dapagliflozine vs 13,7 % pour le groupe placebo) et une baisse de 18 % du risque de décès de cause cardiovasculaire (9,6 % vs 11,5 %). La mortalité toutes causes était diminuée de 17 % (11,6 % vs 13,9 %). La dapagliflozine s'est révélée aussi efficace dans l'IC chez les patients avec ou sans diabète.
Une tolérance a priori rassurante
« La tolérance est bonne », a commenté le Pr Alain Cohen-Solal, cardiologue à l'hôpital Lariboisière à Paris lors d'une conférence de presse organisée par le laboratoire AstraZeneca. Il y a eu autant de volume de déplétion, de troubles rénaux et d'hypoglycémies dans le groupe dapagliflozine que dans le groupe placebo.
Dans l'éditorial du « NEJM », le Pr James Fang de l'université santé d'Utah, aux États-Unis, tempère les bons résultats de DAPA-HF. Il s'interroge sur la reproductibilité des résultats à la fois en termes d'efficacité et de tolérance chez des patients ayant une atteinte sévère, la majorité des participants à l'étude ayant une IC modérée.
De plus, le spécialiste de Salt Lake City pose la question de l'appropriation de ce nouveau médicament par les médecins en pratique. Selon lui, la polymédication des sujets candidats incite les praticiens à la prudence, inquiets du risque d'effets secondaires et d'interactions inattendues mais aussi de l'observance.
La position très attendue des autorités sanitaires
L'éditorialiste ne passe pas sous silence non plus le coût économique ni les « obstacles administratifs ». En outre, avec l'arrivée des analogues du GLP1 et des iSGLT2, il estime que les médicaments du diabète « sont complexes et intimidants pour de nombreux praticiens, particulièrement avec l'explosion de nouvelles classes médicamenteuses pour les patients ayant un diabète et les multiples nuances à leur utilisation ».
Aujourd'hui, la dapagliflozine (FORXIGA) a l'AMM dans le diabète mais n'est pas remboursée en France. Le laboratoire AstraZeneca va déposer une demande d'AMM dans l'IC à l'Agence européenne du médicament (EMA). Aux États-Unis, le laboratoire, qui mène un vaste programme de recherche dédié à la dapagliflozine (Dapacare) s'est vu accorder par la FDA un accord pour une demande d'AMM fast track dans l'insuffisance rénale, a-t-il été annoncé lors de la conférence de presse.
En France, un million de personnes sont touchées par l'insuffisance cardiaque. Cela représente près de 70 000 décès par an et plus de 150 000 hospitalisations. Il s'agit de la première cause d'hospitalisation chez les plus de 65 ans. La moitié des patients décèdent dans les 3 à 5 années suivant l'apparition des premiers symptômes.
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