LE TÉLÉPHONE n’arrête pas de sonner au cabinet du Dr Benjamin Bajer, chirurgien plastique, en plein cur de Paris. Il faut dire que le 30 mars dernier, l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) recommandait aux femmes ayant reçu des prothèses mammaires préremplies de gel de silicone fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP) de consulter leur chirurgien afin qu’il les examine et leur prescrive une échographie.
Dans le même temps, les chirurgiens qui avaient implanté ces prothèses étaient directement contactés par l’Agence. L’AFSSAP ayant été avertie d’un certain nombre de ruptures de l’enveloppe de ces implants, a en effet procédé à une inspection des locaux de la société PIP. Elle a pu constater que le gel de silicone utilisé pour la fabrication des implants était différent de celui qui avait été déclaré dans les dossiers de conception et de fabrication du produit lors de sa mise sur le marché. Elle a alors pris la décision de suspendre la vente et la pose de ce produit.
De quoi donc inquiéter les 30 000 femmes qui seraient concernées, parmi les 500 000 porteuses d’implants mammaires. De toute façon, toutes rappellent. « Elles se souviennent rarement de la marque de la prothèse », indique le Dr Bajer.
L’AFSSAPS s’est voulue pourtant très rassurante. Elle précise qu’en « l’état des données disponibles, (elle) n’a pas relevé de complications différentes de celles qui sont habituellement rencontrées avec d’autres implants préremplis de gels de silicone. Seule une fréquence plus élevée de ruptures et de réactions inflammatoires locales a été observée » avec les prothèses de la société PIP. Elle invite surtout toute femme porteuse d’implants à respecter l’exigence d’un suivi médical régulier.
Victimes aussi.
Le Dr Bajer est quant à lui très énervé. PIP n’est pourtant pas son fournisseur principal d’implants. En six ans, il a implanté des prothèses mammaires chez 300 patientes et utilisé seulement 4 fois les prothèses litigieuses. Parce que PIP est la seule marque à proposer uncertain modèle de prothèse asymétrique, pour des indications particulières, explique-t-il. Mais il se trouve qu’il a posé le 25 mars une prothèse de ce type. « PIP a été contrôlé autour du 10 mars, le 20, je leur commandais une prothèse pour la poser le 25. Ils savaient donc qu’ils seraient épinglés au moment où je leur ai acheté la prothèse et ils ne m’ont rien dit. Alors évidemment, ma patiente me prend pour un guignol ! »
Le Dr Bajer a fédéré autour de lui un collectif d’une quinzaine de confrères. Une enquête est actuellement en cours. « Nous attendons que le juge d’instruction se saisisse et nous nous porterons partie civile, pour préjudice à notre image. Nous chirurgiens, souhaitons nous démarquer de ce laboratoire. Nous ne voulons pas qu’il y ait amalgame entre ses intérêts et les nôtres. Nous aussi sommes victimes de cette affaire. Et je comprendrais naturellement que mes patientes se portent également parties civiles, dans le cadre d’une action conjointe et synergique à la nôtre. On ne peut pas laisser passer une chose pareille. On ne sait pas la raison pour laquelle ils ont changé de gel. On peut s’interroger sur leurs motifs, étant donné qu’ils n’ont pas du tout communiqué là-dessus. Mais cette affaire pose un problème, bien plus vaste : comment se fait-il que ne soit pas prévue, comme il y a des contrôles inopinés d’hygiène dans les restaurants, de procédure de suivi régulier de ces produits, une fois mis sur le marché ? Le dispositif de matériovigilance ne se met en place qu’à la suite de signalements isolés. »
Une autre question, très pratique, se pose. Quid du coût des reconstructions des poitrines PIP, si toutefois elles se révèlent nécessaires ? « Pour moi, c’est assez facile à gérer, convient encore le Dr Bajer. Seules 4 de mes patientes sont concernées. Mais ceux de mes collègues dont PIP était la marque de prédilection, comment vont-ils faire ? Réopérer sans demander d’honoraires ? S’ils doivent réopérer toutes leurs patientes, cela peut leur prendre 6 mois. Alors il leur serait impossible de ne rien facturer. »
Il semble en tout cas certain qu’il ne faudra pas compter sur la société pour assumer la charge de ces frais. Le même jour que la décision de l’AFSSAPS, le tribunal de commerce de Toulouse prononçait sa liquidation judiciaire. L’assureur de la société acceptera-t-il de prendre en charge ? Autre inconnue.
Écoute et information.
« Le taux de rupture a certes augmenté selon l’AFSSAPS, mais nous n’avons pas encore de chiffres précis. Et d’après les premiers résultats de l’étude que nous avons nous-mêmes lancée, on peut penser qu’il sera très certainement au-dessous des 5 % », estime pour sa part le Dr Bruno Alfandari, président du Syndicat national de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, qui reste très mesuré. « On en est seulement au recueil des données, afin de savoir quel est le risque réel. D’autant que l’on sait qu’il y a toujours un risque, même minime, toute marque confondue. Et surtout nous nous concentrons aujourd’hui sur nos patientes. Voilà le message que nous voulons faire passer : nous nous plaçons dans une démarche purement médicale. Nous devons donc être à l’écoute de nos patientes, leur délivrer l’information qu’elles réclament, ainsi qu’aux généralistes qui sont en première ligne et doivent probablement être sollicités eux aussi. Je vois d’ailleurs dans cette affaire un effet que j’oserais qualifier de bénéfique : les patientes vont sans doute se soumettre avec plus de discipline au suivi régulier, que nous recommandons dans tous les cas ! Nous préconisons en effet un examen annuel pendant au moins les cinq années qui suivent l’opération. Or peu d’entre elles respectent ce suivi. »
L’AFSSAPS a rédigé un Questions/Réponses sur le sujet, disponible sur son site : www.afssaps.fr et repris sur le portail de la chirurgie plastique reconstructrice et esthétique : www.plasticiens.org.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation