Président de Gilead France, Michel Joly revient, dans un entretien exclusif au « Quotidien », sur les négociations « difficiles » et l’accord sur le prix du Sovaldi qui révolutionne la prise en charge de l’hépatite C.
LE QUOTIDIEN : Le prix définitif du Sovaldi vient d’être fixé à 41 000 euros pour un traitement de trois mois. Êtes-vous satisfait du montant obtenu ?
MICHEL JOLY : Je suis satisfait que nous ayons trouvé un accord. Je ne qualifierai pas de satisfaisant le niveau de prix. Les négociations ont été difficiles. Le statut post-ATU est dérogatoire, et avec la fixation du prix, nous rentrons dans un statut de droit commun. Plusieurs éléments ont été intégrés dans l’accord qui a abouti à ce prix. Le premier, c’est le degré d’innovation de la molécule, le deuxième c’est le fait que ce traitement va s’adresser désormais à plus de patients que lors de la période ATU, et le troisième, c’est qu’il faut que le prix ne mette pas en péril l’équilibre des comptes de l’Assurance-maladie. Quand vous faites la synthèse de ces trois éléments, vous arrivez à ce prix.
Comment se sont passées les négociations avec le CEPS (comité économique des produits de santé) ?
Nous avons obtenu l’AMM en janvier, et nous avons conclu un accord en novembre, ce qui fait 10 mois. Ça peut sembler long par rapport au temps des médias et des politiques, qui mettent parfois un peu d’huile sur le feu, mais cette négociation a été bouclée assez rapidement. Il y avait une bonne raison à ça, c’est qu’il y avait un besoin médical très fort des patients.
La négociation a fait l’objet de nombreux allers et retours. Gilead n’a été qu’un élément dans la négociation. Il y a aussi tous les autres acteurs, qui n’ont pas forcément notre point de vue, comme la Direction de la Sécurité sociale, la DGS, la DGOS, les ministères de la Santé, de l’Economie, de la Recherche, sans oublier les associations de patients et les médecins. Au total, c’est un compromis.
Comprenez-vous la polémique sur le prix du Sovaldi ?
Je comprends l’émotion suscitée, parce qu’on a l’habitude de raisonner en coût par boîte, voire par comprimé. Ce mode de calcul est adapté aux traitements chroniques, mais n’a aucun sens pour un traitement curatif.
Sovaldi fait économiser de l’argent à l’Assurance-maladie, puisqu’au bout de trois mois vous êtes guéri de votre virus. On évoque plusieurs centaines de millions d’euros d’économies annuelles pour l’assurance-maladie chaque année, grâce aux cirrhoses, aux hospitalisations et aux transplantations évitées. Et cette somme n’intègre pas les pertes de productivité.
Je comprends donc l’émotion, mais soyons rationnels : ces médicaments guérissent les gens d’une maladie virale potentiellement mortelle pour environ 40 000 à 50 000 euros. Comparé à beaucoup de traitements chroniques sur une vie entière, c’est beaucoup moins cher.
Cela valait-il la peine de fixer initialement à 56 000 euros le prix du Sovaldi, sachant que les négociations avec le CEPS aboutiraient à un prix moindre et que vous devriez rembourser le trop-perçu ?
Le prix fixé initialement l’a été dans le cadre d’une ATU sur des patients très sévères, soit transplantés, soit qui ne pouvaient pas attendre un an. Ce sont des patients sur lesquels le ratio coût-efficacité est probablement le plus important, ce qui justifiait ce niveau de prix.
Le PLFSS 2015 prévoit un mécanisme de contribution spécifique. Que se passe-t-il concrètement si vous dépassez les 450 millions de CA en 2014 ?
Cela reste un projet. Pour 2014, un plafond serait fixé pour l’ensemble des médicaments à 450 millions d’euros, et pour 2015 de 700 millions net de remises. Au-delà de ce plafond, les laboratoires reversent une grande partie de l’enveloppe.
Sovaldi pourrait-il éradiquer l’hépatite C ?
Les nouveaux antiviraux offrent cette possibilité. Le rapport d’expert du Pr Dhumeaux, publié en avril, annonce qu’en 10 ou 15 ans, on pourrait maîtriser et presque qu’éteindre l’infection virale C en France. Il y a cependant un facteur limitant, qui est que tous les malades ne sont pas diagnostiqués, il va donc falloir aller les chercher.
L’aboutissement des négociations sur le prix du Sovaldi coïncide avec l’ATU accordée à Harvoni (bithérapie associant un antiviral au Sovaldi). Y a-t-il un lien direct entre les deux événements ?
Non. L’avenir du combat contre l’hépatite C, ce sont les traitements associés, et non Sovaldi tout seul. Harvoni est une solution qui va arriver très rapidement sur le marché. Les traitements actuels qui associent deux antiviraux à prix non négociés coûtent 100 000 euros ou plus par traitement. Le prix fixé pour Harvoni coûte environ la moitié. À l’avenir, pour les patients non cirrhotiques et naïfs de traitement, deux mois de traitement de Harvoni suffisent, ce qui met le traitement à 32 000 euros. Très loin des coûts actuels.
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