Les médecins parisiens ne réclament pas l'impunité mais un peu plus de bienveillance. Ces dernières semaines, de plus en plus de praticiens se plaignent d'être verbalisés dans les rues de la capitale.
Depuis une circulaire du ministère de l'Intérieur de janvier 1995, les médecins parisiens dont le véhicule arbore le caducée se voient accorder une tolérance en matière de stationnement irrégulier. Cette mansuétude s'applique dès lors que leur déplacement a pour but le domicile du patient, ou que leur véhicule est garé à proximité du cabinet en cas d'astreinte, « essentiellement pour satisfaire à leurs obligations en cas d'urgence ».
Depuis cette date, l'usage voulait que les médecins ne s'acquittent que de la première tranche horaire payante, sans être inquiétés par les agents verbalisateurs.
Mais depuis l'an dernier, les choses ont évolué. Avant même que le législateur ne confie à la mairie les prérogatives en matière de stationnement actuellement dévolues à la préfecture de police (le projet de loi sera examiné fin 2016), une décision du conseil de Paris du 19 mars 2015 a changé la donne. Elle précise que les professionnels mobiles comme les plombiers, les coiffeurs à domicile, les médecins ou les infirmiers, doivent désormais acheter une carte annuelle de « professionnel mobile », d'une valeur de 240 euros. Cette dernière ouvre droit à 7 heures de stationnement par jour à Paris au prix de 0,50 euro de l'heure.
Un abus de pouvoir de la mairie ?
Ce changement étant mal connu des médecins parisiens, beaucoup d'entre eux n'achètent pas cette carte et continuent de ne s'acquitter que de la première tranche horaire de stationnement. De fait, certains sont verbalisés par les agents municipaux. « Le Quotidien » a reçu de nombreux courriers et appels téléphoniques de praticiens s'étonnant de ces nouvelles pratiques, les qualifiant d'« abus de pouvoir de la mairie ».
Au cabinet d'Anne Hidalgo, on justifie cette mesure : selon les chiffres de la CPAM de Paris, « seulement 1 000 médecins parisiens effectuent plus d'une visite par semaine », sur les quelque 17 000 médecins en activité que compte la capitale. Alors que la capitale se bat pour diminuer le trafic automobile et améliorer la qualité de l'air, la municipalité ne souhaite plus accorder aux médecins un avantage qui pourrait s'assimiler à un passe-droit.
Le caducée sans valeur
Le président de l'Ordre des médecins de Paris, le Dr Jean-Jacques Avrane, ne décolère pas. « La mairie de Paris range les médecins dans la catégorie des professionnels mobiles, sans aucune considération pour leur mission de service public, s'énerve-t-il. Pour eux, le caducée n'a aucune valeur ». L'Ordre a cependant quelques arguments pour contrer le dispositif municipal de carte de professionnel mobile.
Tout d'abord la vignette « Urgences », réservée par l'Ordre aux médecins effectuant des visites à domicile, leur permet de stationner « un petit moment sur les places de livraison, pendant une visite », explique le Dr Avrane. À l'entendre, ce dispositif était acté par la préfecture de police et accepté par la mairie. Mais au cabinet d'Anne Hidalgo, on est moins catégorique, indiquant que cette possibilité « n'est pas encore tranchée ». Le dossier devrait être examiné lors d'une prochaine réunion.
Jean-Jacques Avrane propose également que les praticiens en déplacement professionnel puissent bénéficier du tarif résidentiel à Paris. Le caducée ferait office de carte de résident. Là aussi, au cabinet d'Anne Hidalgo, on botte en touche. Rien n'est acté pour le moment, assure-t-on. Tout juste consent-on à dire que les médecins pourraient peut-être bénéficier d'un « geste » de la mairie sur le prix de la carte de professionnel mobile.
À la CSMF 75, on est à fond derrière le Dr Avrane. Son vice-président, le Dr Mickael Riahi, juge que « ce n'est pas à la mairie de dire qui fait des visites à domicile et qui n'en fait pas ». Il regrette aussi que dans ce dossier, « tout le monde se renvoie la balle », et envisage de monter un front syndical pour donner du poids à ces revendications.
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