Trois mois après l'attentat de Nice, l'enjeu est le suivi des victimes et la continuité des soins. Dès mi-septembre, le ministère de la Santé a annoncé un renforcement des moyens.
Concrètement, cela signifie, pour la pédopsychiatrie niçoise (trois secteurs regroupés à l'hôpital Lenval), la création d'un poste (pérenne) de médecin responsable du réseau (confié à un senior), pour assurer le fonctionnement en réseau des soins post-traumatiques avec tous les acteurs et partenaires de la pédopsychiatrie : éducation nationale, protection judiciaire de la jeunesse, protection maternelle et infantile, conseil départemental, foyers de l'enfance, etc., sans oublier les psychologues de ville, notamment ceux qui mettent en place le forfait de 10 séances remboursées à hauteur de 50 euros, autre mesure annoncée par Ségur, explique au « Quotidien » le Pr Florence Askenazy, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU de Lenval. « L'idée est de renforcer le lien social et de préserver la cohésion de la population niçoise ; cela permettra également de repérer les enfants qui sont en difficulté dans les différentes structures, tout en aidant ces dernières à faire face à d'éventuelles difficultés », précise-t-elle, évoquant les personnels durement éprouvés.
En outre, trois psychologues spécialisés dans le suivi des enfants psychotraumatisés (et trois secrétaires) seront affectés pour un an dans les trois secteurs de pédopsychiatrie de Nice, pour contribuer aux évaluations cliniques afin d'orienter au mieux les victimes, soit dans leur secteur d'origine, soit vers les psychologues de ville. Deux sur trois seront notamment affectés aux quartiers les plus défavorisés de Nice. « Ces professionnels seront intégrés à une équipe plus générale ; ils travailleront en lien avec les acteurs du secteur et seront en plus coordonnés par le médecin senior », insiste le Pr Askenazy. La venue de ces psychologues devrait permettre une ouverture plus large de trois centres médico-psychologiques.
Enfin, un pédopsychiatre extérieur interviendra une fois par semaine pour superviser les équipes, via des reprises de cas. « Cela doit permettre aux soignants de tenir face à des chocs très difficiles et aux familles et enfants d'avoir la prise en charge la plus adaptée possible car réfléchie », explique la pédopsychiatre.
« Ce dispositif, conçu en partenariat avec les deux autres chefs de secteur de pédopsychiatrie (les Dr Leali et Severino), l'ARS et la DGS, est pour l'instant adapté à la demande », juge le Pr Askenazy, estimant qu'une réévaluation sera à envisager après noël.
Repérer les plus vulnérables
Fin septembre, plus de 1 000 personnes avaient été reçues en consultation à l'hôpital de Lenval, dont 700 enfants. Sans compter les personnes vues en psychiatrie de liaison ou les rechutes et nouvelles décompensations, plus nombreuses qu'en septembre 2015, ce qui laisse supposer l'existence d'un « lien probable » avec le drame, selon le Pr Askenazy. La chef de service s'inquiète notamment pour les plus vulnérables, comme les enfants de moins de 6 ans, voire de 3 ans, chez qui « il est complexe de percevoir l'expression de la souffrance, à moins que de premiers symptômes apparaissent (trouble du sommeil, hypervigilance, troubles alimentaires) ».
Du côté des adolescents, le Pr Askenazy relève de plus grandes capacités à s'adapter, voire à être « soutenant » dans le giron familial. Néanmoins, les plus fragiles présentent des crises identitaires majeures, qui se traduisent non seulement au niveau de la sexualité mais aussi - fait nouveau - par une détresse relative à leur appartenance culturelle et leur identité culturelle et sociale. « Il y a une clinique très variée : le cœur du problème est le développement du syndrome de stress post-traumatique (PTSD). Mais on observe parallèlement le développement de délires paranoïdes aigus et rapidement régressifs, des troubles de conduites alimentaires, des troubles anxieux, des difficultés de colère, des troubles de l'attention importants, de l'agressivité… ».
Quant aux endeuillés, ils ont été pris en charge immédiatement mais restent à suivre, la plupart ayant perdu plusieurs figures d'attachement, ou/et étant eux-mêmes meurtris dans leur corps.
Autant de victimes qui peinent à recourir ou à rester dans le système de soins, par crainte de revivre la situation traumatique (ce que pourtant, les psychiatres savent gérer), mais aussi parce que certains - notamment parmi les populations précaires - ressentent de la honte à demander de l'aide et n'osent pas venir consulter. Sans oublier que l'un des symptômes du PTSD est l'évitement. « C'est pour cela que le réseau, qui permet de toucher les plus vulnérables, est si important », souligne le Pr Askenazy.
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