Assez ! Lasses de dénoncer dans le vent des arbitrages jugés « iniques » et « discriminatoires » d’octroi ou de renouvellement des autorisations en faveur de l’hôpital, exaspérées aussi des aides et avantages « opaques » accordés au secteur public, les cliniques ont décidé de passer à la vitesse supérieure.
Lors de leur convention annuelle, les 600 établissements MCO (médecine, chirurgie et obstétrique) réunis en fédération (FHP-MCO) ont confirmé le choix du combat systématique sur le terrain juridique (« opération 1 000 recours »...) contre toutes les décisions des ARS. Des dizaines d’actions sont déjà engagées. La stratégie est simple : à chaque fois qu’une décision (autorisation, attribution de crédits des fonds d’intervention régionaux, aides à la contractualisation...) est ressentie comme inéquitable en région, la voie contentieuse est privilégiée.
Manque de respect
Des cas concrets ont été expliqués. La FHP Nord-Picardie est à la pointe du combat. Avec l’agence régionale de santé (ARS) de Picardie, le feu couve depuis 2013. Le secteur privé perçoit alors seulement 0,4 % des dotations affectées au financement des missions d’intérêt général (MIGAC), soit 0,6 point de moins que la part des crédits MIGAC alloués au niveau national au privé (1 %). Inacceptable pour les cliniques. Toujours selon la FHP, 25 millions d’euros d’aides exceptionnelles sont accordés en 2014 à 17 hôpitaux du cru, puis 900 000 euros à tous les services d’urgences de la région, sauf ceux des trois cliniques... Les échanges avec l’ARS deviennent houleux puis se tarissent. « L’ARS refusait le dialogue alors que nous assurions un tiers des soins, expose Stéphanie Becuwe, déléguée régionale. Ce manque de respect nous a poussés à nous tourner vers le tribunal interrégional de la tarification sanitaire et sociale ». Depuis, les rapports se sont apaisés. Les cliniques ont depuis perçu 750 000 euros pour développer la chirurgie ambulatoire et des financements complémentaires de 300 000 euros.
Scruter le « Journal officiel »
« Passer par le recours juridique nous apporte de la transparence sur les pratiques des ARS, insiste Ségolène Benhamou, présidente de la FHP-MCO. À voir la manière dont je commence à être accueillie dans certaines agences, ça les titille ! »
Plusieurs fédérations régionales ont pris le train en route. Afin d’être le plus réactif possible, Rhône-Alpes a protocolisé la procédure de recours et guette jour après jour un loup éventuel dans les arrêtés publiés au « Journal officiel ». L’Auvergne est également sur la brèche pour remettre en cause d’éventuelles décisions qui ne seraient pas motivées en droit.
Le recours juridique, nouvelle baguette magique du privé ? Selon Me Thierry Dugast, les angles d’attaques ne manquent pas. « Toute décision administrative peut faire l’objet d’un recours », insiste-t-il.
Faire feu de tout bois
Par exemple, la dotation annuelle de financement (DAF) qui porte sur les activités de soins peut être détournée et utilisée comme une aide à la trésorerie hospitalière. Attaquable ! Un hôpital se voit attribuer une subvention de 250 000 euros pour « coacher » le personnel soignant, en dehors des clous des MIGAC ou des crédits régionaux (FIR) ? Attaquable aussi ! De surcroît, chaque subvention doit faire l’objet d’une demande écrite de la part de l’hôpital et d’un justificatif. « En Picardie, l’ARS nous a indiqué qu’elle ne pouvait pas nous communiquer des éléments qui n’existent pas », se souvient avec malice le conseil. Attaquable !
Deux autres pistes s’offrent aux cliniques mécontentes : attaquer le payeur (la caisse primaire d’assurance-maladie) pour faute dans le contrôle des subventions allouées, ou encore privilégier le conflit d’intérêt. « Vous avez là un vrai moyen de contrôle, glisse Me Maxence Cormier. En entendant "conflit d’intérêt", le juge se jettera sur le dossier ! »
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