L’ANNÉE 2010 sera une « année charnière », avait annoncé Roselyne Bachelot. Et elle l’a été. En février 2010, le rapport de la Cour des comptes épinglait assez sévèrement la politique de lutte contre le VIH, dénonçant la « faiblesse du pilotage » par le ministère de la Santé et son « manque de continuité ». Le gouvernement n’a lancé la concertation pour le nouveau plan Sida qu’en 2009, ce qui fait qu’au « moins une année s’écoulera entre l’achèvement de l’ancien (2005-2008) et le commencement du nouveau plan ». Ce rapport critique, le dernier de la présidence de Philippe Séguin, décédé en janvier 2010, affirme la nécessité de renforcer la prévention tout en soulignant que le ministère de la Santé « paraît disposer de leviers insuffisants à l’égard des ministères particulièrement concernés par l’effort de prévention (éducation nationale, intérieur et justice notamment) ».
Avec deux ans de retard et après polémiques, débats et concertations, le plan 2010-2014 a enfin été bouclé et lancé à la fin du mois de novembre, marquant ainsi l’un des derniers actes du ministère Bachelot. Lors de la Conférence internationale de Vienne, en juillet, elle en avait dévoilé les deux mesures phares : « Banaliser le dépistage en direction de la population générale, le déstigmatiser, pour que chacun prenne conscience qu’il peut être concerné par cette épidémie » ; permettre la réalisation des tests rapides de dépistage par les non-professionnels de santé, une vraie « révolution sociétale », affirmait-elle. Joignant la parole aux actes, la ministre s’était fait dépister par un militant sur le stand de l’association AIDES qui saluait le « geste politique fort ».
Trois innovations majeures.
En 261 pages, dont une centaine pour les annexes, le plan 2010-2014 décrit les enjeux de la nouvelle stratégie de lutte contre le VIH/sida et les IST, fixe les principes et les objectifs, dont 4 concernent spécifiquement l’infection à VIH/sida (4 autres visant à réduire les IST : gonococcies, syphilis, chlamydioses, infections à Herpes Simplex Virus, papillomavirus) : réduire de 50 % l’incidence de l’infection par le VIH ; réduire de 50 % l’incidence du sida ; réduire de 50 % les découvertes de séropositivité au stade sida ; réduire de 20 % de la mortalité liée au sida.
Trois innovations majeures sont introduites : l’incitation au dépistage en population générale à l’initiative des généralistes ou des services de première ligne (le test est proposé indépendamment d’une notion d’exposition à risque à tout patient de 15 à 70 ans n’ayant pas été dépisté) ; l’incitation à un dépistage régulier chaque année dans les groupes où la prévalence est élevée, notamment en Guyane ou chez les originaires de pays de forte endémie ; le dépistage communautaire chez les homosexuels, qui pourra être répété autant que nécessaire.
Deux arrêtés parus au « Journal officiel » (du 9 juin 2010 et du 17 novembre 2010) fixent les modalités du dépistage. Le premier met fin au double test de dépistage et autorise le recours aux tests rapides en situations d’urgence dans les structures médicalisées, y compris par le médecin en cabinet médical. Le deuxième officialise la réalisation des tests rapides « hors les murs », par des non-professionnels et dehors des situations d’urgence.
Le nouveau plan introduit aussi la notion de prévention combinée associant les méthodes comportementales (préservatifs masculins et féminins), l’élargissement des indications traditionnelles du dépistage et le traitement antirétroviral précoce dans un but de réduction de la transmission du VIH. Toutefois, le préservatif reste la norme. De même, les concepts de prévention positive et de santé sexuelle rendent compte des besoins de prévention spécifiques des personnes vivant avec le VIH : accompagnement et soutien de la vie psychique, affective et sexuelle, incluant la contraception et la reproduction.
Dépister pour traiter.
Le traitement précoce dès 500 CD4/mm3 est désormais la norme, celle recommandée par le rapport Yéni, publié en juillet 2010. Le plan ne va pas au-delà, même s’il souligne que différents rapports d’experts ont ouvert « la possibilité de traiter précocement et de façon continue une personne dès la découverte de sa séropositivité pour le VIH avant d’attendre toute baisse de son immunité » pour un « bénéfice collectif » et un « bénéfice individuel éventuel ». Il rappelle aussi que, « pour la première fois », les recommandations du groupe d’experts intègrent la « possibilité de traiter les personnes dans le seul but de prévention, sans en faire à ce jour une recommandation formelle » et sans « la proposer comme une stratégie collective ». S’il ne la généralise pas, il prévoit qu’une « proposition de recours au traitement comme prévention peut être faite » aux séropositifs les plus à risque de transmettre, en l’absence de traitement (homosexuels multipartenaires, couples sérodifférents, personnes migrantes en grande précarité ou vulnérabilité, trans ou prostituées).
Le plan s’affiche comme un outil de programmation, qui devra être décliné par les ARS en fonction des données épidémiologiques régionales et en s’appuyant sur les COREVIH (Coordination régionale de lutte contre l’infection à VIH). Prévu pour 5 ans, il « pourra s’adapter aux évolutions qu’elles soient épidémiologiques, scientifiques, médicales, législatives, réglementaires ou comportementales ».
Son ambition, au moins dans les intentions, a été saluée. Toutefois, des contradictions ont été relevées, notamment par le Conseil national du sida (CNS), entre les objectifs de santé publique et les politiques de sécurité ou de maîtrise des flux migratoires en particulier à l’encontre des plus vulnérables, usagers de drogues injectables, migrants (AME, titre de séjour pour soins) ou prostitué(e)s. Un manque de cohérence qui, selon le CNS, risque d’hypothéquer la réussite du plan.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes