Engagé depuis des années contre les « garanties incompréhensibles et les offres opaques » des complémentaires santé, l'économiste de la santé Frédéric Bizard a dénoncé ce jeudi, à Paris, les conclusions du récent rapport Asterès sur la pertinence et l'efficacité des réseaux de soins.
En octobre dernier, l'Observatoire citoyen des restes à charge composé du réseau Santéclair, du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) et de 60 millions de consommateurs, avait repris les résultats de cette étude, et fait état d'une baisse des prix en optique, dentaire et audioprothèse mais aussi à une diminution du reste à charge des patients grâce à ces groupements fermés.
Dans un rapport d'une trentaine de pages intitulé « le vrai visage des réseaux de soins », l'économiste, spécialiste des questions de protection sociale et expert sur ces sujets auprès du Sénat (groupe Les Républicains) depuis 2015, analyse les arguments développés dans l'étude pour leur apporter la contradiction.
Privatisation des soins
« Je dénonce les dangers des réseaux car ils sont un levier pour privatiser le système de santé », a attaqué Frédéric Bizard, en écho à une critique souvent exprimée par les médecins libéraux.
L'économiste de la santé bat en brèche l'idée selon laquelle les Français seraient mal couverts et auraient besoin d'une plus grande participation des complémentaires. Frédéric Bizard soutient que la France a un niveau de reste à charge supportable (8 % contre une moyenne mondiale de 20 %), « l'un des plus faibles au monde », et rappelle que 95 % des Français sont couverts par une complémentaire santé – contre 50 % en 1970.
« On entend souvent dire que le problème du reste à charge provient des prix libres trop élevés des professionnels de santé, or aucune preuve n'étaye ces accusations », affirme l'expert. Les dépenses de soins de ville en France sont parmi les moins élevées en part de dépenses totales des pays développés. »
Frédéric Bizard est persuadé que, loin de permettre des économies, les réseaux de soins entraînent un accroissement des dépenses de santé. « Ils conduisent inévitablement à augmenter les volumes du fait d'un effet recours comme on a pu le constater sur le marché américain depuis des années », argumente-t-il.
Plus chers
L'amélioration de la qualité des prestations (au sein des réseaux) affirmée par l'étude d'Asterès fait tousser l'enseignant de Sciences-Po. « La régulation par la qualité est une chimère complète, assure-t-il. Le réseau n'a aucun intérêt à privilégier la qualité puisque son seul objectif, c'est de faire baisser les prix. »
L'économiste présente une vision apocalyptique des filières fermées, susceptibles de mettre en place une « médecine à deux vitesses », innovante pour les plus aisés, mais low cost pour les autres. La généralisation des réseaux de soins aurait des conséquences sur les patients et les professionnels. « La modulation des remboursements servira de levier pour enfermer la classe moyenne dans les réseaux », croit-il savoir.
Frédéric Bizard estime que cette forme de contractualisation, dont les médecins sont pour l'heure exclus par la loi Le Roux, constitue une sérieuse menace sur la liberté de choix des professionnels de santé et sur leur indépendance. « La mort de l'exercice libéral importe peu aux réseaux », a conclu Frédéric Bizard lors de la présentation de son rapport à Paris, à laquelle ont assisté plusieurs médecins, les Drs Éric Henry (SML), Patrick Gasser (UMESPE-CSMF), et Jérôme Marty (UFML). « On est sur un projet de société qui a la volonté de mettre la main sur les tarifs des médecins libéraux dans les réseaux de soins », a-t-il asséné.
L'an dernier Frédéric Bizard avait soutenu une proposition de loi — restée lettre morte — du député Les Républicains, Daniel Fasquelle, visant à supprimer tous les réseaux de soins conventionnés (assurances, mutuelles, institutions de prévoyance) pratiquant des remboursements différenciés.
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