LE QUOTIDIEN – Les directeurs d’ARS s’apprêtent à prendre leurs fonctions. Vous, qui avez fait partie de la première promotion de directeurs d’ARH, diriez-vous que les événements sont comparables ?
DOMINIQUE COUDREAU – Je trouve que la situation est assez différente dans la mesure où l’idée d’ARS a cheminé assez longtemps. L’arrivée des « préfigurateurs », leurs missions, leurs objectifs… tout ceci a été préparé de façon beaucoup plus approfondie, pendant des mois, que ce qui s’était passé lorsque nous sommes arrivés en 1996. À l’époque, il nous a fallu tout créer.
Il y a 13 ans déjà, on disait que les patrons des ARH allaient être des « superpréfets », l’appellation revient évidemment en force pour les directeurs d’ARS. À tort ou à raison ?
La référence au corps préfectoral – un grand corps administratif français avec ses traditions, ses missions, ses responsabilités propres – me paraît chaque fois un peu inappropriée. Les ARH étaient un corps à vocation très spécifique : il s’agissait de mener à bien la restructuration hospitalière – à l’époque de leur création, les capacités des hôpitaux étaient très excédentaires en France (elles le sont encore un peu mais moins). Même si elles sont plus généralistes, les nouvelles ARS sont également dans un domaine spécifique au regard de ce qu’est la mission du corps préfectoral qui, lui, veille à la mise en uvre de la politique de l’ensemble du gouvernement.
Les ARH n’avaient que des relations marginales avec les médecins de ville, pensez-vous que les choses vont radicalement changer avec les ARS ?
Ca dépend ! La médecine libérale n’était pas, c’est vrai, au cur des missions des ARH mais nous avons très vite établi des interfaces avec elle dans des domaines précis comme l’équipement d’imagerie, l’obstétrique… Pour les ARS, le contexte est différent avec cette nuance que l’UNCAM [Union nationale des caisses d’assurance-maladie] conserve sur l’organisation de la médecine de ville un pouvoir important. La question se pose donc de savoir jusqu’où vont aller les prérogatives des ARS ? Un sujet, par exemple, n’a jamais été traité : celui de l’exercice collectif des médecins (en maisons de santé ou en pôles pluridisciplinaires…). Il s’agit d’une question centrale pour l’UNCAM ; elle est en friche. Il y a là un terrain – dont personne ne sait dire aujourd’hui s’il est régional (ce que je pense moi) ou national – à occuper.
Change-t-on énormément d’échelle avec les ARS et si oui, ces structures seront-elles pilotables ?
On entre dans un monde différent. Nous, directeurs d’ARH, avions autour de nous de toutes petites équipes. En Ile-de-France, l’ARH comptait une quinzaine de personnes (auxquelles s’ajoutaient des collaborateurs à la Sécurité sociale et dans les administrations de l’État) ; à l’ARS d’Ile-de-France, il y aura entre 1 200 et 1 500 collaborateurs. Les directeurs d’ARS auront donc une fonction de pilotage d’administrations assez composites qui va occuper une partie de leur temps.
Je pense que le fait, remarquable à mon sens, que les ARH aient été de toutes petites administrations, dans lesquelles on privilégiait les contacts directs avec les administrations hospitalières, a fait leur succès. Est-ce que les ARS vont réussir à préserver cela ? Je suis un optimiste, et je pense que les ARS sont une bonne réforme. Je remarque aussi que les noms de préfigurateurs que l’on prononce ne sont pas ceux de n’importe qui…
Vous l’évoquiez, le cas de l’Ile-de-France, étant donnée la concentration des moyens sanitaires de la région, est un peu particulier. Que conseilleriez-vous à son futur directeur ?
Mauvaise question. Je connais bien Claude Évin, qui doit en prendre la tête. C’est un pragmatique, très ouvert. Si tant est que j’aie quelque chose à lui conseiller, je lui dirais de ne pas aller trop vite et de déterminer quelques objectifs adaptés à la région et visibles. Bien sûr, il y a un comité national de pilotage des ARS mais leur réussite va reposer beaucoup sur les hommes qui les dirigent. Il faut qu’ils aient une vision et une envie de faire, qu’ils marquent leur différence et qu’ils le fassent dans les premiers mois.
(1) Dominique Coudreau est aujourd’hui Conseiller du Président à Générale de Santé.
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