Médecin généraliste, le Dr Hervé Caël dirige les urgences de la clinique privée du Parc Impérial, à Nice. Le praticien était de garde au moment de l'attentat. Il témoigne.
LE QUOTIDIEN - Vous étiez de garde dans la clinique du Parc Impérial, à Nice, la nuit dernière. Comment avez-vous vécu ce drame ?
Dr Hervé Caël – Nous avons été prévenus tout d'abord hier soir par le coursier du laboratoire avec qui on travaille, proche de la Promenade des Anglais. Nous étions incrédules mais les réseaux sociaux ont rapidement montré qu'il se passait quelque chose de très grave, d'inimaginable même. Il faut savoir qu'en vue de l'Euro de foot, les cliniques – comme tous les services d'urgences – s'étaient très bien préparées : mise à jour du plan blanc, exercices, renforcement des équipes aux urgences les jours de match, équipements particuliers… Mais depuis la finale le 10 juillet, la pression était un peu retombée, même si nous savions que Nice était une ville à risque. Hier soir, 14 juillet, il n'y avait pas de mesure spéciale.
En pratique, avez-vous rappelé des équipes médicales en renfort ?
Très rapidement, le SAMU nous a confirmé la gravité du drame. Au début, nous redoutions en plus une prise d'otages dans un bar de Nice. Nous ne savions pas si d'autres terroristes circulaient… Le plan blanc prévoyait une procédure de rappel du personnel mais nous n'avons pas eu à passer un seul coup de téléphone ! Spontanément – et je veux rendre hommage à tout le monde – on a vu redébarquer aux urgences dans la demi-heure du personnel, des infirmiers, des médecins, anesthésistes, chirurgiens, d'autres urgentistes du service… Une ancienne infirmière a téléphoné, un étudiant s'est présenté spontanément. Des soignants appelaient pour demander : « qu'est-ce qu'on fait ? » On a pu tout de suite reconstituer une équipe avant l'arrivée des premières victimes.
Comment s'organisent alors les secours et la prise en charge ?
Les victimes secourues par les moyens ambulanciers et les blessés les plus graves ont été prioritairement adressées au CHU et au service d'urgences pédiatriques de l'hôpital Lenval. À la clinique, nous avons eu des victimes venues par leurs propres moyens, ou amenées par leur entourage : en grande majorité des crises d'angoisse, de panique parfaitement compréhensibles. On a eu aussi un « plateau tibial », une autre fracture… L'orthopédiste a rouvert le bloc pour des interventions chirurgicales d'orthopédie le soir.
Mais au-delà des cas médicaux, la détresse psychologique est terrible. Des familles étaient là, parfois avec des enfants en bas âge, sans savoir ce que leurs proches étaient devenus… On a vu des familles venir demander des nouvelles d'une mère, d'un proche.
Le SAMU nous a demandé ce matin de faire un état des lieux de nos lits disponibles, à actualiser toutes les heures, et de les réserver dans la journée au cas où certains patients devaient être réorientés chez nous. Pour les urgences, on contribue aussi à désengorger le flux qui arrive au CHU. Notre établissement est central et dispose d'une centaine de lits d'hospitalisation et de salles de bloc opératoire.
À titre personnel, en tant que médecin urgentiste, que ressentez-vous ?
On a beau s'y préparer, on vit un cauchemar. C'est l'horreur absolue. Le regard perdu des gens, leur récit… En salle de garde, nous étions tous au bord des larmes. On a beau faire des exercices, on ne peut pas s'imaginer la réalité d'un tel drame, un tel niveau d'horreur, tant qu'on ne l'a pas vécu.
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