À la veille d'une séance importante de négociations conventionnelles, le Dr Patrick Gasser, président des spécialistes confédérés (UMESPE), expose au « Quotidien » les raisons de sa colère. Pour lui, la signature d'une convention n'est pas envisageable en l'état.
LE QUOTIDIEN : Vous jugez que les dernières propositions de la CNAM sont une « insulte » à la médecine spécialisée libérale. Pour quelles raisons l'UMESPE (CSMF) est-elle totalement hostile à la signature d’un accord ?
Dr PATRICK GASSER : Nous nous sommes clairement positionnés contre le dernier texte proposé lors d'un comité directeur extraordinaire, vendredi dernier. Nous exigeons le C = CS = 25 euros mais nous ne voulons pas d'un modificateur pour les seuls généralistes. Donner la MPC [de deux euros] aux généralistes ou leur créer un modificateur, c'est faire fi de toute l'histoire des précédentes conventions.
Certains estiment qu'il serait injuste d'accorder 4 euros supplémentaires aux spécialistes via le C2 (si le C venait à être porté à 25 euros, NDLR). Mais n'oublions pas que nous avons mis en place le médecin traitant en 2004 et que les consultations directes des spécialistes étaient régulées. La réforme jouait la carte de la coordination médecin traitant/médecin correspondant. Je ne vois donc pas pourquoi, aujourd'hui, on décrocherait le C2 (de la consultation de base).
La CSMF ne participera pas à la séance de négociation, ce mercredi 13 juillet . Pourquoi ?
Nous avons fait des propositions fortes, Nicolas Revel [le directeur de la CNAM] les connaît. Son projet actuel est vécu comme une insulte pour les spécialistes. Ça fait quatre mois qu'on nous balade avec des powerpoint et des grands-messes. Je veux des propositions écrites. Nous avons 15 jours pour écrire un texte que nous pourrons présenter à notre assemblée générale (l'AG de la CSMF est programmée le samedi 23 juillet, NDLR).
Que réclament les spécialistes de la CSMF pour poursuivre la discussion ?
Il y a des lignes rouges au-delà desquelles la négociation ne pourra pas se poursuivre.
Il faut valoriser clairement l'expertise. C'est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à la mise en place d'une hiérarchisation des consultations complexes. Mais il ne faut oublier aucune spécialité. Or, aujourd'hui, la médecine interne ou l'endocrinologie sont laissées de côté. Un patient diabétique voit pour la première fois un endocrinologue après huit ans de maladie, ce n'est pas normal ! Nous réclamons aussi un plan de sauvegarde de la pédiatrie libérale avec des tarifs particuliers. Je précise que nous ne sommes pas favorables à l’extension des forfaits, qui ne sont pas notre tasse de thé.
Deuxième point : nous nous opposons totalement aux baisses tarifaires (radiologues, biologistes), qui sont inacceptables.
Quels sont les autres points prioritaires ?
Nous jugeons indispensable l’ouverture d’un espace de liberté tarifaire pour tous les médecins. Cet espace de liberté est le seul moyen de compenser la sous-valorisation des actes et de structurer la e-santé dans nos cabinets. Or, la CNAM fait l'inverse : elle stigmatise le secteur II tout en gelant les tarifs opposables des consultations à 23 euros…
J'ajoute que la CCAM technique n'a pas été revalorisée depuis sa création. Elle devait être revue tous les ans. Ce n'est pas normal. Je demande enfin une évolution du point travail, qui représenterait 200 millions d'euros pour valoriser l'expertise.
Y a-t-il des tensions internes entre généralistes et spécialistes au sein de la CSMF ?
C'est bien qu'il y ait des propositions pour les généralistes mais il faut en miroir des propositions à la hauteur pour les spécialistes. Je n'en ai pas vu. C'est simple : s'il n'y a pas d'avancées pour les spécialistes, nous aurons un grand débat à la CSMF. Le syndicat compte à peu près 14 000 adhérents avec une répartition équilibrée entre généralistes et spécialistes. L'UMESPE fera entendre sa voix. Les départements se positionneront. Il faut une convention pour l'ensemble des médecins.
Le règlement arbitral ne vous fait pas peur en cas d'échec ?
Non car si demain les spécialistes sont oubliés, cette fois ils se mobiliseront. Il y a de plus en plus d'anxiété. Les spécialistes se feront entendre s'il y a un échec de la convention ou si un accord au rabais est signé par qui que ce soit. Cela pourrait se traduire par un mouvement tarifaire ou par une mobilisation dans les établissements.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes