« Un gigantesque call center. » Voilà ce à quoi ressemble la médecine générale en Belgique selon le Dr Thomas Orban, président du Collège de médecine générale francophone belge. Depuis quelques jours, les praticiens n’exercent plus que par téléphone, avec un seul objectif : trier les patients pour préserver, le plus longtemps possible, des hôpitaux sous tension.
En Belgique, le bilan officiel du Covid-19 mardi 17 mars faisait état de 1 243 infections, 361 personnes hospitalisées (dont 79 en soins intensifs et 61 sous assistance respiratoire), et 10 décès. Le plus dur reste à venir : les hôpitaux s’attendent à voir déferler une vague de malades. « L’heure est à la résignation : on n’échappera pas à un scénario à la Lombarde », confie le Dr Philippe Devos, médecin intensiviste (spécialité médicale de soutien à l'hôpital) et président du syndicat Absym.
En première ligne, les médecins généralistes tentent de garder leur calme. « Nous ne cédons pas à la panique. Nous tâchons de nous organiser, le plus posément possible », témoigne le Dr Chloé Bruggeman, généraliste à Jette. Dans sa maison médicale, où exercent cinq généralistes, la prise en charge a été adaptée. « Nous reportons tout ce qui n’est pas urgent et nous ne recevons plus de patients : nous passons la journée au téléphone, à raison d’une vingtaine de téléconsultations quotidiennes chacun. » Les médecins ont par ailleurs décidé d’instaurer une garde téléphonique après 19 heures.
« Je travaille relativement sereinement, je ne suis pas débordé », confie de son côté le Dr David Simon, généraliste à Colfontaine, où sévit un foyer de coronavirus. Il est l’un des rares à braver les recommandations des instances professionnelles : il reçoit l’après-midi, FFP2 vissé au visage, les patients suspectés de coronavirus. « C’est mon rôle, estime-t-il. Je viens de recevoir et d’hospitaliser un enfant de 10 ans à qui j’ai détecté une pneumonie. Par téléphone, je serais passé à côté. »
Si l’observance des consignes laisse à désirer, les médecins s’accordent sur une chose : l’information circule bien et la coordination est là. Exemple lundi 16 mars à 18 heures, avec la vidéoconférence interactive sur le coronavirus organisée par le Conseil de médecine belge. Diffusée en direct sur Youtube, elle a été suivie par plusieurs milliers de généralistes.
Des médecins contaminés
Reste que l’inquiétude augmente à mesure que sont rendues publiques les premières contaminations de soignants. Après un généraliste septuagénaire dans un état grave à Charleroi, trois médecins spécialistes, quadragénaires cette fois, ont été hospitalisés en début de semaine avec pronostic vital engagé. « Je ne suis pas angoissée mais la question se pose : combien de temps tiendrons-nous si nous tombons malades les uns après les autres ? Et qu’arrivera-t-il à nos collègues hospitaliers ? On risque l’épuisement », souligne le Dr Bruggeman.
Une inquiétude que renforce la pénurie de masques en Belgique, qui rend fous de rage de nombreux médecins. La Belgique n’a en effet pas prévu de stock stratégique et cafouille toujours pour s’en procurer. Seule une poignée de généralistes ont sous la main des FFP2, souvent issus de leur stock personnel constitué au temps du H1N1, et les hôpitaux en manquent cruellement. La ministre fédérale de la santé, la flamande Maggie de Block, est pointée du doigt, accusée d’avoir fait preuve de négligence autant que d’avoir minimisé l’épidémie, elle qui en février alla jusqu’à moquer les premiers médecins lanceurs d’alerte, qualifiés publiquement de « drama queens » (« reines du drame »). « C’est une évidence, la gestion de cette crise, marquée par l’imprévoyance, ne va pas améliorer la confiance des médecins vis-à-vis des gouvernants, fulmine le Dr Paul De Munck, président du Groupement belge des omnipraticiens. Mais nous réglerons nos comptes plus tard. Pour l’heure, on se bat. »
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