Un système de corruption mis en place à Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) par un maire trop passionné d’œuvres d’art, un entourage municipal complice, des promoteurs payant leur marché en tableaux de maître, ce cocktail fait un procès hors norme qui débute demain, jeudi 5 février, à Perpignan.
Au cœur de ce procès, le Dr Jacques Bouille, médecin et maire (UMP) par qui le scandale est arrivé, ne sera pas jugé. Ce notable, élu depuis 1989, s’est pendu en prison le 24 mai 2009, cinq mois après son arrestation. Il avait 62 ans. Mais il sera au centre des débats du tribunal correctionnel, jusqu’au 27 février, lorsque 15 prévenus devront s’expliquer sur leurs errements supposés. Il s’agit d’élus ou de fonctionnaires de la mairie, soupçonnés d’avoir aidé Bouille à accumuler les œuvres d’art, payées par la commune ou par des pots-de-vins de chefs d’entreprise. Il s’agit aussi de ces patrons poursuivis pour avoir payé en liquide ou en œuvres d’art leur « ticket d’entrée » aux marchés publics de la commune balnéaire.
Jacques Bouille, généraliste et figure de l’UMP locale, avait attiré les soupçons en 2007 par la présence sur son compte de plus de 200 000 euros déposés en liquide. L’enquête devait révéler qu’entre 2002 et 2008, le couple Bouille avait dépensé pour 925 000 euros en œuvres d’art. Parallèlement, Bouille avait été mis en examen à l’époque pour avoir fait acheter par la municipalité, entre 2003 et 2008, pour environ sept millions d’euros de tableaux, statuettes, figurines japonaises ou tapis.
Des œuvres dans le poulailler
Saint-Cyprien, 10 000 habitants, accusait en 2006 une dette de 42 millions d’euros, presque 4 500 euros par habitant. Une partie significative des œuvres a disparu. D’autres ont été récupérées, non pas au musée mais au cabinet du maire, à son domicile ou même dans le poulailler de sa mère.
Bouille devait répondre de blanchiment, corruption passive, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts et entrave à la manifestation de la vérité. Sa veuve, Marie-Antoinette Alberny, sera au rang des prévenus pour recel et dissimulation de biens.
Au-delà de la confusion que les Bouille sont accusés d’avoir pratiqué entre « patrimoine propre et bien public », l’accusation cible un « système de corruption » à Saint-Cyprien, dont le marché immobilier attirait les investisseurs.
La gérante d’une société immobilière est ainsi accusée d’avoir remis au maire deux chèques de 20 000 et 30 000 euros pour faire avancer un dossier. Un artisan électricien est soupçonné d’avoir financé pour 156 000 euros l’achat de huit tableaux alors que, de son propre aveu, il se « foutait » de ces œuvres.
Le plus gros dossier est celui de l’avocat et promoteur suisse Damien Piller. Il est poursuivi pour financement, à hauteur de 400 000 euros, de dix tableaux – dont des œuvres de Maurice Vlaminck, Gustave Loiseau et Bernard Buffet – contre des décisions propices à ses plans immobiliers. Trois autres industriels répondront aussi de « corruption active » pour pots-de-vin au maire et à ses proches collaborateurs. Le tribunal devrait ensuite faire passer ces derniers sur le gril.
La mairie de Saint-Cyprien est partie civile. La commune est dirigée depuis l’élection de 2009 par Thierry del Poso (UMP), ancien opposant de Bouille et l’un des premiers à dénoncer ces pratiques.
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