Entretien
LE QUOTIDIEN : La médecine générale va faire son entrée au Conseil national des universités avec une sous-section spécifique. Pourquoi ?
GENEVIÈVE FIORASO : Le métier de généraliste doit être reconnu et valorisé. Nous vivons de plus en plus vieux, en ayant parfois besoin d’assistance et de coordination médicales. Avec la médecine ambulatoire se développent des pratiques concentrées autour du patient, notamment pour le suivi des maladies chroniques. Le pivot de ces évolutions de parcours de soins, c’est le médecin généraliste. Il était temps de reconnaître sa fonction. Cette reconnaissance universitaire s’inscrit dans une volonté de donner toute sa place aux spécialistes de médecine générale dans ces nouvelles pratiques médicales. La création d’une sous-section de médecine générale au CNU doit permettre de rendre plus attractive la filière universitaire de médecine générale créée en 2008, qui compte aujourd’hui 34 professeurs et 13 maîtres de conférence titulaires.
La première année commune aux études de santé (PACES), qui devait limiter le gâchis humain, n’est-elle pas un échec ?
La PACES est une première étape vers une meilleure orientation des étudiants recalés. Cela dit, plus de 80 % des étudiants continuent d’échouer en première année. Ceux qui se dirigent vers les professions de santé le font par vocation. Nous voulons limiter le gâchis humain en proposant aux jeunes une réorientation précoce qui leur permette de rebondir rapidement.
Justement, de nouvelles licences santé vont être expérimentées pour réformer la PACES. Que changeront-elles ?
Notre objectif est de mieux orienter les étudiants vers d’autres filières en cas d’échec, de proposer une formation davantage pluridisciplinaire, de diversifier les profils des futurs médecins. La dimension humaine et sociale de la sélection en médecine n’est pas suffisamment prise en compte. La loi prévoit que 5 % à 30 % d’étudiants issus d’autres filières pourront intégrer les études médicales grâce à la licence santé.
Ces expérimentations seront réellement opérationnelles dans dix UFR à la rentrée 2015. Nous voulons rapprocher les études de santé du cursus LMD (licence-master-doctorat). Cette réforme est progressive et menée en concertation avec les doyens.
Que se passera-t-il dans les dix facultés pilotes ?
À Clermont-Ferrand, Paris V, Paris VII, Paris XIII, Poitiers, Saint-Étienne et Tours, il sera possible pour ceux qui échouent en PACES de valider une 2e ou 3e année de licence (biologie, sciences…) en validant des unités d’enseignement complémentaires.
Strasbourg proposera une 2e ou une 3e année de licence sans UE complémentaire, sur dossier et sur entretien. Rouen crée une 2e ou 3e année d’une licence de sciences pour la santé. Et Angers a mis en place un parcours pluridisciplinaire dédié et commun à un ensemble de licences. Une sélection à l’issue du 2e semestre permettra de voir si le candidat est apte à poursuivre les études médicales. Il disposera d’une 2e chance l’année suivante au 3e semestre. Les expérimentations se dérouleront jusqu’en 2019. Nous en effectuerons un bilan en 2020.
Contourné de toutes parts, le numerus clausus est remis en cause. Faut-il le supprimer ou l’aménager ?
La réflexion est engagée avec le ministère de la Santé. Il faut que la sélection se fasse de manière intelligente et pas seulement sur des QCM. On ne peut pas se satisfaire que 25 % des médecins soient formés à l’étranger. Nous réfléchissons à l’opportunité que toutes les expérimentations de licence santé se déroulent hors numerus clausus qui est stable cette année. Il faut introduire un peu de souplesse. Cela ne pénaliserait pas ceux qui passent le concours et permettrait d’augmenter rapidement le nombre de médecins en formation.
De nouveaux métiers doivent voir le jour avec la loi de santé, dont les infirmières cliniciennes. Qu’en attendez-vous ?
Il n’existe pas de qualification intermédiaire entre l’infirmière et le médecin généraliste, qui permette de prendre en charge des chimiothérapies à domicile ou certains actes considérés comme médicaux auprès de personnes âgées. Cela implique un nouveau niveau de formation et de responsabilité. Le nouveau métier d’infirmière clinicienne, qui existe déjà au Québec, doit permettre aux praticiens de gagner du temps médical.
D’autres nouveaux métiers liés aux mathématiques appliquées, à la physique et à l’informatique vont voir le jour, comme les bio-informaticiens et biostatisticiens dans les laboratoires de recherche ou encore les radiophysiciens. Je veux anticiper ces nouveaux métiers et réfléchir à de nouvelles formations pour que notre pays reste à la pointe dans le domaine de la recherche biomédicale, des parcours de santé et de l’activité industrielle pour la pharmacie et les dispositifs médicaux.
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