« Deux ? Peut-être trois ? Ou même cinq ? » En Belgique, c’est devenu l’une des devinettes les plus en vogue dans le monde d’après : trouver le nombre exact de ministres de la santé. Le jeu n’est pas évident car, fédéralisme et trilinguisme oblige, le plat pays détient probablement le record du monde en la matière. Ils sont en effet… neuf.
Au-delà de l’effet comique, et à l’heure où la Belgique dresse le premier bilan de la crise, le constat est cruel : ce mille-feuilles institutionnel et politique a largement entravé la riposte contre le Covid-19. « Si elle partait d’une bonne intention, la décentralisation du système de soin, opérée en 2014, a eu de nombreux effets pervers, témoigne le Dr Philippe Devos, président de l’Association belge des syndicats médicaux (ABSYM) : les compétences se chevauchent, les consensus sont plus complexes, et les décisions contradictoires se multiplient ». Prévention, soins à domicile, médecine générale, soins palliatifs, etc. Nombre de secteurs doivent composer avec plusieurs niveaux de pouvoirs, qui ne communiquent pas forcément entre eux.
Chapelles et baronnies
À peu près gérables en temps normal, ces défauts systémiques deviennent mortels en temps d’urgence. « Pas de chaîne de commandement, pas de matériel, pas de stratégie claire, aucune communication efficace et coordonnée. Autant de chapelles que de baronnies. Une cacophonie », tonnait mi-juin le Dr Thomas Orban, président du Collège de médecine générale.
Un péril illustré au plus fort de l’épidémie par « l’affaire des masques ». « Un vrai délire ! peste encore aujourd’hui le Dr Devos : la commande des masques émane d’un ministre fédéral, nommé spécialement pour, puis le dossier est repris par la ministre fédérale de la Santé, qui doit alors négocier la répartition des stocks avec les ministres de la Santé des trois régions (Wallonie, Flandres, Bruxelles) mais aussi avec ceux des trois communautés linguistiques (francophone, néerlandophone, germanophone). Bref, on perd trois jours entre l’arrivée du matériel sur le territoire belge et sa distribution sur le terrain. »
Une fois n’est pas coutume, les Belges, opinion publique comme politiques, sont aujourd’hui d’accord : le système doit évoluer et le nombre de ministres baisser. Près de 80 % des citoyens sondés en juin souhaitaient ainsi une refédéralisation de la santé.
Reste à déterminer comment y parvenir. Deux lignes s’affrontent, qui épousent les clivages identitaires traditionnels du Royaume. La première, fédéraliste, est soutenue par les francophones et propose de ne garder qu’un seul ministre pour tous. La seconde, régionaliste et portée par les Flamands, préconise trois ministres : un Wallon, un Flamand, un Bruxellois. « Les soignants eux-mêmes sont partagés, selon qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre des communautés, souligne le président des syndicats médicaux. Mais pour nous, peu importe la solution retenue, l’enjeu est davantage celui du temps : nous voulons que les politiques tranchent avant l’arrivée d’une probable deuxième vague. »
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