Alors que le Ségur de la santé touche à sa fin, avec un premier accord avec les paramédicaux à hauteur de 7,5 milliards d'euros, la CSMF fait le constat amer que la médecine de ville risque d'être la grande oubliée. « J'observe que les milliards tombent comme à Gravelotte sur l'hôpital et je n'ai rien vu sur la médecine de ville », résume le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Mardi 7 juillet, le Premier ministre Jean Castex s'était invité à la réunion sur les salaires de paramédicaux, annonçant une rallonge de plus d'un milliard d'euros.
Deux poids, deux mesures ?
Selon le patron de la Conf', qui a sorti sa calculette, « cela porte l'enveloppe totale pour l'hôpital à 27 milliards. Ce n'est pas fini ! ». Cette manne inédite comprend la revalorisation des salaires des paramédicaux (7,5 milliards), les engagements déjà pris auprès des médecins hospitaliers, internes et étudiants (environ 500 millions), l'investissement (6 milliards) sans oublier l'apurement partiel de la dette hospitalière (13 milliards). « Je vous rappelle que la médecine de ville a sous-exécuté son budget de 4 milliards d'euros... La question est de savoir si nous aurons oui ou non les moyens financiers pour accompagner la réorganisation et la coordination indispensable pour la médecine de ville ? », s'agace le néphrologue de Cabestany.
Selon le Dr Ortiz, ce Ségur « hospitalocentré » doit au minimum aboutir à des « engagements financiers » pour la médecine de ville qui pourront ensuite être déclinés dans le cadre des négociations conventionnelles et tarifaires à la rentrée de septembre (sur l'exercice collectif, les soins non programmés, la visite, etc.). Le précédent directeur de la CNAM, Nicolas Revel, s'était engagé sur le principe de discussions dès fin août. Les syndicats attendent le nouvel agenda.
Soins non programmés régulés, visites, point travail...
Dans ce cadre, la CSMF portera des revendications fortes inscrites dans son « projet politique rénové » dont les grandes lignes viennent d'être présentées en conseil confédéral et en assemblée générale. Il s'agit d'un « projet entrepreneurial adapté au monde de demain, et une réforme des statuts de la CSMF », résume la centrale polycatégorielle.
Priorité est clairement donnée à la valeur de l'acte médical, aujourd'hui « décoté » dans l'échelle des actes médicaux en Europe et dans l'échelle des services en France. « Une consultation chez un médecin généraliste à 25 € est tout simplement une insulte à notre mission, à notre engagement professionnel », lance le Dr Ortiz.
Au-delà de l'acte de référence, la Conf' plaide pour la « revalorisation des soins non programmés régulés », qu'il s'agisse à la fois des forfaits de régulation et d’astreinte et de la majoration des tarifs des actes (y compris techniques). Autres requêtes : la hausse de la visite à domicile et la « valorisation du point travail en CCAM », figé depuis 2005. La centrale appelle aussi de ses vœux la valorisation du volet de synthèse médicale (VSM dans le DMP), de l’association consultation/acte technique, des actes de télémédecine (et télé-expertise) et souhaite l'élargissement des consultations complexes.
Valoriser la coordination
Ce n'est pas tout. Quinze ans après la mise en place du médecin traitant et du parcours de soins, le premier syndicat médical revendique la valorisation directe de la coordination entre médecins généralistes et autres spécialités. La CSMF réclame la création d'une « consultation lourde de coordination » avec le médecin traitant pour le médecin spécialiste qui suit la pathologie chronique.
La coopération avec les autres soignants mérite aussi d'être honorée. « Cette coordination doit pouvoir se faire sous toutes les formes et sans obligation », alerte le Dr Ortiz. Il cite la coopération « simple » autour du patient avec des outils de transmission comme l'appli de communication Globule ou la plateforme de télémédecine altra strada, mais aussi les formes plus structurées (cabinets de groupe, MSP, CPTS, équipes de soins primaires ou spécialisés). « L’appartenance à une CPTS ne doit pas être une obligation. Peu importe l’outil, ce qu’il faut accompagner, c’est bien l’exercice coordonné sous ses différentes formes », explique Jean-Paul Ortiz.
C'est dans ce cadre que la CSMF défendra à la rentrée le soutien financier des équipes de soins primaires ou spécialisés. Les médecins « sont prêts à assumer collectivement cette responsabilité territoriale pour permettre à tous d’accéder à un médecin généraliste ou d’une autre spécialité », résume la Conf', qui cite les consultations avancées et lieux d'exercice multiples.
Dans son projet politique, la centrale met en avant le concept d’« entreprise médicale libérale » – avec des implications côté carrières et formation. D'où la nécessité pour les jeunes générations d'être initiées à la gestion, au management d’équipe et à l’économie dès les études médicales. D'où aussi une nécessaire transformation favorisant les statuts mixtes et les temps partagés.
Vers une maison de la médecine libérale
La CSMF entend décliner cette ambition entrepreneuriale à travers la rénovation même du syndicat (statuts, locaux, image) autour de trois priorités : l'innovation, l'expertise et la formation.
L'aggiornamento statutaire est au programme. Praticiens en exercice, retraités, internes : les adhérents pourront rejoindre la CSMF « par une adhésion directe ou par une adhésion via leur spécialité, la médecine générale étant elle-même une spécialité, ou par leur regroupement ». L’adhésion sera nationale, « à un tarif attractif », et s’accompagnera de l’accès aux services de la nouvelle « maison de la médecine libérale » que la « CSMF 3.0 » ambitionne de créer en transformant son siège national à Paris. Le bâtiment sera rénové pour devenir « le lieu central de vie syndicale ». Il hébergera notamment une maison de l’innovation de la médecine spécialisée, un incubateur de start-up santé et des espaces dédiés à la formation et aux colloques. Coût des travaux estimé : trois millions d'euros.
S'agissant des prochaines élections aux URPS en avril 2021, les listes de la CSMF seront strictement paritaires dans les deux collèges (généralistes et spécialistes) dans toutes les régions. Pour Jean-Paul Ortiz, « il est fondamental que le syndicalisme de demain respecte une absolue parité ». Une révolution ?
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes