La France est-elle en passe d'accorder des autorisations d'exercice partiel à des professionnels de santé en provenance d'États membres de l'Union européenne ?
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) redoutent très fortement cette perspective après avoir pris connaissance d'un projet d'ordonnance du gouvernement, venant transposer une directive européenne de 2013.
Cette directive, qui modifie une précédente de 2005 sur la reconnaissance automatique des diplômes entre les pays de l'UE, prévoit en effet d'autoriser l'exercice partiel de professionnels de santé (médecins, sages-femmes, kinés, dentistes…) qui ne posséderaient pas l'ensemble des compétences nécessaires dans le pays d'accueil.
Le devoir d'informer les patients
Les spécialistes pour lesquels il existe des différences entre l'activité professionnelle dans le pays d'origine et la France pourraient ainsi demander à bénéficier d'un exercice partiel.
Par exemple, un médecin qui exerce pleinement en tant que cardiologue dans un pays de l'UE pourrait ne consulter qu'en tant que rythmologue en France.
L'accès partiel serait ainsi accordé par l'autorité compétente de l’État membre d’accueil (par exemple l'Ordre national des médecins en France). Un médecin pourrait en bénéficier s'il est qualifié dans un ou plusieurs États de l'UE, et si les mesures de compensation sont trop importantes et reviendraient à lui faire suivre un cursus de formation en médecine complet. Cet accès pourrait lui être refusé pour des « raisons impérieuses d’intérêt général », précise le projet d'ordonnance.
Les médecins concernés devraient en outre exercer sous le titre professionnel de leur pays d'origine et « informer les patients sur les actes qu'ils sont habilités à effectuer dans le champ de leur activité », détaille le projet.
L'Ordre relativise
Pour la CSMF, cette disposition est susceptible de constituer « une atteinte à la qualité des soins en créant des sous-professions ou sous-spécialités, avec des médecins qui auront des compétences et un exercice total et d'autres qui ne le seront qu'à moitié ». Le syndicat demande que l'accès partiel ne soit pas appliqué à tous les secteurs d'activité et notamment pas à celui de la santé.
« L'introduction débridée de nouveaux métiers de santé partiellement qualifiés aurait d'importantes conséquences sur le système de soins », affirme de son côté l'UNPS, qui redoute une « absence de contrôle fiable » des professionnels concernés.
Le Centre national des professions de santé (CNPS) a également dénoncé vendredi une « déréglementation inacceptable de l'accès aux professions de santé et leur nivellement par le bas ». Il redoute l'apparition de « sous-professions, sous-qualifiées et sous-rémunérées ».
L'Ordre des médecins se veut quant à lui rassurant. « L'État français était dans l'obligation de transposer cette directive, mais il y a peu de danger en réalité », explique le service juridique du CNOM.
« L'accès à la profession de médecin en France est très réglementé par le code de santé publique et uniformisé au sein de l'UE, et je ne sais pas si beaucoup de médecins étrangers feront jouer cette règle », déclare le Pr Robert Nicodème, responsable de la section formation et compétences médicales à l'Ordre.
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