TOUS LES observateurs le disent : il est difficile, pour ne pas dire impossible, de se forger un avis neutre et éclairé sur l’affaire « CHIPS ». Passion, manipulation, intrigue et dissimulation, sont les ingrédients d’une recette aux conséquences désastreuses, puisque l’hôpital croule sous les dettes, et que sa reconstruction sur un site unique se trouve compromise.
Une kyrielle de querelles médicales et politiques a fleuri au cours de ces dernières années, et l’on assiste aujourd’hui à une escalade verbale. Pierre Morange, dans une déclaration à l’APM, exige la « démission » du patron de l’ARS d’Ile-de-France. « Je ne céderai et ne reculerai jamais », ajoute l’élu UMP, en réaction à la volonté de Claude Evin d’arrêter la procédure devant aboutir à la construction d’un hôpital unique.
Le CHIPS, c’est avant tout l’histoire d’une fusion ratée, décidée par les tutelles en 1997 alors que les élus locaux et les médecins n’y étaient pas disposés. Pour objectiver les faits, un seul moyen : la lecture attentive de deux volumineux rapports* rendus publics il y a peu. Le premier, rédigé par l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), a été remis à Roselyne Bachelot en juin 2010. Le second, commandé par le directeur de cabinet de l’ancienne ministre à deux conseillers généraux des établissements de santé, a été remis à l’ARS d’Ile-de-France le mois dernier. C’est sur la base de ce dernier document que l’ARS a pris les décisions contestées par Pierre Morange.
Fuite en avant.
L’IGAS et les conseillers généraux parviennent aux mêmes conclusions financières. Le CHIPS, plus gros hôpital francilien hors AP-HP, a les comptes dans le rouge vif. Son retour à l’équilibre est illusoire à court terme. L’endettement, « proche de 100 % », voue à un échec quasi certain le projet de déménagement, estiment les conseillers généraux. Aucun protagoniste n’est épargné par l’IGAS. Il est reproché à l’ARHIF (Agence régionale de l’hospitalisation d’Ile-de-France) d’avoir manqué de poigne et de discernement face à l’ampleur du déficit masqué pendant des années par la direction de l’établissement. Au ministère de la Santé, d’avoir manqué « de clarté » dans les objectifs imposés au CHIPS. Aux élus locaux, d’avoir fortement « pesé » sur la vie de l’hôpital. Aux cliniciens, d’avoir codé sans rigueur.
Au médecin DIM, l’IGAS reproche un amateurisme ayant plombé les comptes de l’hôpital - « La facturation était une boîte noire ». À l’ancienne équipe de direction, une gestion « insincère » des comptes s’étant traduite par « une fuite en avant du déficit ». Au directeur nommé en 2007, un management contre productif et des recrutements « parfois discutables ». « Cette nomination (du directeur Gilbert Chodorge, NDLR) constitue une erreur », écrivent les inspecteurs, tout en lui reconnaissant « une réussite incontestable », puisque Gilbert Chodorge a su faire fondre le déficit. Au SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers) enfin, l’IGAS reproche son implication sur le dossier.
Aujourd’hui, le CHIPS est au milieu du gué, avec sur les bras un terrain à Chambourcy acheté 21 millions d’euros. L’IGAS demande sa mise sous administration provisoire. Et se défend face aux accusations prononcées par Gilbert Chodorge, mettant en cause son impartialité. Pour Pierre Morange, les deux rapports précités sont « à charge ». Le député-maire demande à Xavier Bertrand d’intervenir sur le dossier. Claude Evin, qui gère là son premier bras de fer politique en tant que DG d’ARS, a prévu de se rendre ces jours-ci au CHIPS pour expliquer sa position.
* Les deux rapports cités sont disponibles en ligne. Pour consulter le rapport de l’IGAS (757 pages) http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/114000050/0000.pdf
Pour consulter le rapport des conseillers généraux http://ars.iledefrance.sante.fr/fileadmin/ILE-DE-FRANCE/ARS/Actualites/…
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