Tous unis désormais : après la fermeture des cabinets libéraux, la grève des gardes et le boycott de la télétransmission, les médecins libéraux « toutes générations confondues » s’apprêtent à franchir une nouvelle étape, majeure, dans la contestation contre le projet de loi de santé en défilant ensemble à Paris le dimanche 15 mars. Lancée initialement par les internes (ISNI) et les chefs de clinique (ISNCCA), cette manifestation nationale est désormais soutenue par l’ensemble des syndicats de médecins libéraux représentatifs.
Intérêt supérieur
Les sujets de division ont été mis sous le boisseau. Trois semaines avant de défiler entre Denfert-Rochereau et le ministère de la Santé, une trentaine de leaders syndicaux (CSMF, MG France, SML, FMF, Le BLOC, ISNI, ISNAR-IMG, ISNCCA, SNJMG, REAGJIR, un syndicat de PH, le SNMH-FO mais aussi des représentants des dentistes, orthophonistes...) se sont réunis au siège parisien des internes afin de trouver un mot d’ordre commun et préparer la logistique pour le jour J. « Le but de cette réunion était d’avoir une unité, de définir les slogans, et le message sur la banderole en tête de cortège », confie Mélanie Marquet.
La tâche s’annonçait ardue tant les priorités des syndicats sont parfois différentes - même si le rejet d’un texte jugé liberticide cimente la colère. Au terme de trois heures de discussion, les participants ont sauvé l’essentiel. « Les débats ont été animés mais tout le monde a mis en avant l’intérêt supérieur de la profession, résume le Dr Julien Lenglet, président des chefs de clinique (ISNCCA). Certains demandaient le retrait du projet de loi tandis que d’autres souhaitent sa réécriture, nous avons trouvé un deal, sans doute perfectible, mais qui convient à tout le monde. »
Un slogan commun a été retenu qui satisfait tout le monde : « Non au projet de loi de santé, tous unis pour la santé de demain ». Ne figureront en tête de cortège que des représentants des professions médicales (médecins et dentistes).
Pas question des « revalos »
Les participants n’étant pas d’accord sur la hiérarchie des dispositions les plus contestées du projet de loi (tiers payant généralisé, service public hospitalier, organisation territoriale, redéfinition des compétences médicales...), il a été décidé de concentrer la contestation contre... l’ensemble de la réforme. « Il y a eu un consensus pour que les revalorisations tarifaires, qui relèvent de la convention, ne fassent pas partie des revendications du cortège », précise Julien Lenglet.
Derrière cette unité de façade, de solides divergences demeurent. L’ISNI avait déposé en premier une déclaration de manifestation à la préfecture mais plusieurs autres syndicats dont le SML ont déposé leur propre demande de leur côté. « Ce sera le même trajet, c’est ridicule, on a l’impression qu’ils ne nous font pas confiance », commente-t-on du côté des internes. « Nous avons voulu bétonner et être sûrs que la manif ait lieu, se défend le Dr Eric Henry, président du SML. C’est dommage car nous allons dépenser trois fois plus que si l’on s’était mis d’accord depuis le début. » Locations de camions, services de sécurité, fabrications de banderoles et de tee-shirt... la facture s’annonce élevée.
Un cortège, trois groupes
Selon nos informations, le cortège se divisera en trois groupes avec les internes, les chefs, MG France et la CSMF en tête, puis un deuxième groupe rassemblant le SML, Le BLOC, la FMF et le collectif du « Mouvement pour la santé de tous », qui fédère à lui seul une quarantaine d’organisations de la santé. Un troisième groupe devrait défiler sous la bannière de l’Union française pour une médecine libre (UFML, écartée du comité d’organisation de la manif), qui a déploré qu’internes et syndicats n’aient pas appelé à demander le retrait intégral du projet de loi de santé.
Malgré ces nuances, les syndicats porteront un message d’unité. Dans un communiqué commun assez laconique, ils affirment « collectivement le rejet franc et massif de ce projet de loi de santé ». « C’est historique de rassembler les jeunes et les médecins seniors contre un projet de loi, je n’ai jamais vu ça », se réjouit le Dr Claude Leicher, président de MG France.
Certains leaders syndicaux veulent croire que Marisol Touraine lâchera du lest dans les prochains jours sur plusieurs points très conflictuels (tiers payant généralisé, vaccination par les pharmaciens, modalités du service public hospitalier).
La profession s’emploie de son côté à mobiliser massivement car la longueur du cortège aura valeur de test. La manifestation interviendra juste avant l’examen de la réforme à l’Assemblée nationale en commission (à partir du 17 mars), et une semaine avant le premier tour des élections départementales. « Il faut être pragmatique, la loi sera débattue à l’Assemblée puis au Sénat, il faudra que les médecins restent très mobilisés, prévient le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Nous serons peut-être obligés de remettre le couvert. »
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