Un coup pour rien ? Marisol Touraine s’est du moins montrée courageuse, jeudi soir, en venant au-devant de quelque 750 externes, internes et chefs de clinique réunis pendant trois heures dans le magnifique amphithéâtre parisien de la Sorbonne à l’invitation du Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP), afin de débattre du très controversé projet de loi de santé (1 300 futurs médecins ont également suivi le débat retransmis en direct en ligne dans les internats).
Si l’opération était exceptionnelle dans la forme et le décorum, elle n’a pas permis sur le fond de faire bouger les lignes. À une semaine de la manifestation du 15 mars, qui pourrait se révéler historique dans la profession, la ministre de la Santé s’est employée, dans un discours d’une trentaine de minutes (puis en répondant à quelques questions), à rassurer la jeune génération très inquiète, sans toutefois céder beaucoup de terrain sur son projet de loi de santé, se réfugiant derrière la concertation qui n’est pas terminée.
Ni étatisation ni privatisation
Une nouvelle fois, et sans surprise, la ministre a explicitement garanti aux médecins en formation leur liberté d’installation et la liberté de choix du patient, soulignant la « constance de ses propos » sur ces sujets, à l’heure où certains parlementaires de l’opposition plaident pour des mesures coercitives pour lutter contre les déserts médicaux.
Le tiers payant généralisé ? Reconnaissant que le débat est « sensible », Marisol Touraine a annoncé qu’elle s’exprimerait « prochainement » sur les modalités de l’extension de la dispense d’avance de frais. Une conférence de presse est programmée au ministère de la Santé, lundi matin, à 10 h 45. Aucun calendrier de généralisation du tiers payant n’a été confirmé mais la ministre a redit, dans les pas de François Hollande, que le système devrait absolument être simple, sécurisé, et sans charges supplémentaires pour les médecins.
La ministre a réaffirmé aussi que sa loi ne visait nullement à « étatiser » le système de santé. Le chapitre du texte sur l’organisation territoriale, avec la place respective des agences régionales de santé et des libéraux, sera totalement revu avec un « amendement de réécriture pour que chacun se retrouve dans le texte ».
Pas de réseaux de soins mutualistes
Autre inquiétude majeure des jeunes médecins (et de leurs aînés) : le désengagement de l’assurance-maladie de la médecine de ville et la montée en puissance des complémentaires. Face aux carabins et aux internes, Marisol Touraine s’est efforcée de lever les craintes sur les réseaux de soins mutualistes intégrant des médecins (avec pression sur les tarifs et sélection des professionnels), que la loi n’autorise pas. « C’est tranché, on ne rouvrira pas ce débat », a-t-elle assuré alors que certains praticiens prêtent au gouvernement des projets en ce sens.
La ministre a toutefois prévenu les jeunes que leur métier serait très différent de celui des générations précédentes. Parmi les changements « profonds » à venir : des patients « de plus en plus exigeants », une priorité accrue accordée aux équipes de soins primaires car « tout ne peut pas reposer sur l’hôpital » ou encore la diversification des modes de rémunération même si le paiement à l’acte « n’est pas en cause ».
« C’est vous qui allez incarner notre système de santé », a-t-elle lancé.
Les jeunes dans la rue le 15 mars
Interpellée sur la force de la mobilisation du 15 mars, Marisol Touraine a déclaré que cette manifestation ne lui faisait pas peur, convaincue que « nous avancerons ensemble ».
Les centaines de tweets diffusés en direct ont montré que la jeune génération est restée sur sa faim, et même que la mobilisation contre le projet de loi monte d’un cran. « Cet événement exceptionnel à la Sorbonne a renforcé les jeunes dans leur volonté de manifester le 15 mars, estime Jules Grégory, président du SIHP, joint ce vendredi par "le Quotidien". Le modèle de concertation n’est pas du tout efficace. Malheureusement, le seul moyen d’obtenir des avancées, c’est d’être visible et de protester. »
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