Des théâtres de guerre aux arènes de Nîmes

Le Dr Jean-Yves Bauchu, chirurgien des toreros

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Publié le 01/06/2017
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Crédit photo : Guillaume Mollaret

Quand le Dr Jean-Yves Bauchu piétine le sable des arènes de Nîmes (Gard), ce n'est pas le soleil de plomb qui le fait transpirer, mais sa passion pour la tauromachie. Si pour la photo, le médecin de 66 ans reste planté au milieu de l'amphithéâtre antique, sa place sera dès vendredi, à l'ouverture de la Feria de Pentecôte, en bord de piste, dans le callejon, protection en bois entourant les arènes. À deux pas de la présidence, chargée de remettre les trophées (les oreilles et la queue du taureau sacrifié), il se trouve au plus près de l'étroite infirmerie cachée dans les entrailles de l'édifice bâti par les Romains voilà 2000 ans.

« C'est une place enviée par de nombreux aficionados pour la proximité qu'elle offre sur le spectacle... mais dès qu'il y a un problème, plus grand monde ne la veut », sourit le Dr Bauchu. Formé aux Hospices de Lyon, le chirurgien militaire a fini sa carrière au Val-de-Grâce au grade de colonel après avoir servi sur de nombreux théâtres de guerre, notamment en Afrique. Revenu au civil en 1996, le Dr Bauchu exerce en libéral, à Nîmes, comme chirurgien viscéral à la clinique Kennedy (groupe Médipôle Partenaires). « J'aimais déjà la tauromachie mais n'ayant jamais vécu sur une terre taurine, je regardais à l'époque les corridas sur Canal +», se souvient-il. Son associé, le Dr Daniel Gaujoux, comme le patron de la clinique à l'époque, le Dr Camille Lapierre, étant eux aussi médecins des arènes, le chirurgien a rapidement intégré le mundillo et obtenu sa place dans le callejon.

Le coup de corne, « comme une blessure par arme à feu »

« Les blessures les plus fréquentes chez les toreros sont des blessures musculaires du membre inférieur droit », avance le Dr Bauchu. Mais le risque le plus redouté reste le coup de corne. « On peut comparer ces lésions à des blessures par balleUn coup de corne peut provoquer à la fois des lésions cutanées, vasculaires, nerveuses et osseuses, détaille le médecin. La petitesse de l'entaille n'est pas représentative des dégâts intérieurs. » Ces derniers peuvent être importants car le taureau transperce la peau dans un mouvement ascendant avant d'éjecter le torero. Et puis, « la corne, en pénétrant la peau produit une brûlure d'environ un demi-centimètre, comme une blessure par arme à feu », explique l'ancien chirurgien militaire, qui n'opère pas sur place. L'infirmerie n'étant pas un bloc opératoire, seuls des gestes d'urgence y sont réalisés : « lutte contre la douleur et les infections, remplissage vasculaire et point de compression ».

Aux arènes de Nîmes, pouvant accueillir 12 500 spectateurs, l'équipe médicale est composée de deux chirurgiens, deux anesthésistes, un urgentiste, un généraliste, ainsi qu'une équipe d'infirmiers. « L'équipe est présente en double en cas de problème dans le public, ou de blessure de deux toreros, ce qui n'est jamais arrivé », commente le médecin qui, comme ces confrères, est bénévole dans les arènes. À l’intérieur de l'infirmerie, on trouve un défibrillateur électrocardiogramme, un presse seringue électrique, un aspirateur à mucosité, prêtés par le CHU de Nîmes et la Clinique Kennedy, ainsi que des clamps vasculaires et une boîte chirurgicale pour la thoracotomie... « Je touche du bois, je ne m'en suis jamais servi ! », confie le médecin membre, comme une centaine d'autres, de l'association française de chirurgie taurine.

Les toreros étant en général croyants, une vierge est installée dans l'infirmerie. Par superstition, le Dr Bauchu et ses confrères ne croisent pas les toréadors avant leur entrée en piste et ne disposent pas de leur dossier médical. « Dans ce milieu, ce serait leur porter malheur ne serait-ce que de connaître leur groupe sanguin », détaille le chirurgien.

De notre correspondant Guillaume Mollaret

Source : Le Quotidien du médecin: 9585