Début mars 2022, l’Agence du Numérique en Santé* a présenté le catalogue de services numériques disponibles sur Mon Espace Santé. Parmi les appli référencées (par demande de leurs éditeurs), on trouve déjà Abbott, Withings, Elsan, Doctolib… Une première reconnaissance officielle de la place du numérique privé dans la prise en charge des patients français.
Au premier semestre 2021, 54 000 applications santé étaient téléchargeables sur IPhone. La plupart avaient pour but de surveiller sa santé hors de toute consultation médicale, mais d’autres ont pour finalité de permettre une interface avec son médecin. C’est le cas par exemple des applications de suivi du diabète telles que celle proposée par Abbott, DiabNext ou myDiabby. Comme l’explique au « Quotidien » le cofondateur de la société MDHC, fournisseur de la solution technique myDiabby, il s’agit d’une « plateforme de télésurveillance qui relie les patients diabétiques à leur équipe soignante. Elle permet de rassembler les données-patients relatives au diabète, et de les partager à son équipe médicale. » Selon Pierre-Camille Altman, « aujourd’hui la plateforme est très complète, puisqu’elle intègre une multitude de données détaillées sous forme de tableau de bord et de graphiques de résultats. Le médecin peut donc connaître la journée type de son patient en détail, ainsi que ses tendances moyennes de résultats. On est loin du traditionnel carnet de suivi papier à présenter à chaque consultation ! ». La relation patient-médecin n’est ainsi plus contrainte par des impératifs de temps ni de distance.
Pour la Dr Sandrine Favre qui propose aux patientes atteintes de diabète gestationnel un suivi à distance par le biais de myDiabby, « la télésurveillance est entrée depuis quelques années dans le quotidien des diabétiques, en particulier des plus jeunes. Les confinements ont permis de rallier de nouveaux patients à ce mode de suivi ». Du côté des femmes enceintes utilisatrices – dont la télésurveillance fait l’objet d’une expérimentation Article 51 – le ressenti est globalement positif : « en dépit des séances d’éducation thérapeutique, j’étais un peu perdue pour les modifications de doses d’insuline. Savoir que quelqu’un peut répondre à mes questions et prendre le temps d’analyser mes données personnelles m’a rassurée », explique l'une d'elles ; « le logiciel sait tout : mes doses, mes mesures avec le capteur de glycémie, mes repas, mon exercice physique… Mais je sais que derrière l’informatique, il y a des infirmières et des médecins qui vont me suivre », complète une autre.
Un vrai plus, mais quelques couacs
La preuve est faite que ce n’est pas parce que la médecine devient plus technique qu’elle devient moins humaine. Au contraire, elle appelle à plus d’humanisme. La technologie fait gagner du temps et de l’efficacité aux cliniciens pour qu’ils se concentrent sur la relation interpersonnelle. Mais plus la vie devient digitale, plus on a besoin d’être confronté aux autres.
Utilisatrice de ViaPatient, l’appli développée par les Hospices Civils de Lyon, le Dr Alice Jouve explique que « le partage de données médicales par le biais de la fonction messagerie sécurisé de ViaPatient est un vrai plus. Recevoir par ce canal les examens complémentaires effectués à l’extérieur du service permet d’éviter des consultations inutiles, de ne pas perdre de temps à rechercher des informations dans le flot de documents que les patients apportent avec eux et finalement de se concentrer sur l’essentiel dans un temps d’échange qui est forcément limité ». Tout semble donc positif. Mais la Dr Jouve nuance un peu : « je dois dire que je passe désormais du temps à essayer de convaincre certains patients de l’utilité du service et je reconnais que je suis parfois agacée par leur manque de réactivité. Le refus de l’appli pourrait finalement nuire à mes relations avec certains patients, les plus réticents à l’échange virtuel ».
Autre limite au suivi par les applis, le sentiment d’être « fliqué ». Comme l’explique le Dr Franck Assayag, utilisateur de Withings pour le suivi de ses patients insuffisants cardiaques, « après une "lune de miel" de quelques mois au cours desquels l’outil facilite le dialogue autour du poids, des signes cliniques et des résultats d’examens, je ressens souvent une lassitude voire une attitude hostile ». L’analyse des courbes de poids est typiquement un moment à problème : « Beaucoup de patients n’apprécient pas d’être trop surveillés sur cette question et avec les balances connectées, il est désormais difficile de mentir sur les variations de poids ».
La place du numérique doit donc être analysée individuellement pour définir le but recherché et c’est à cette seule condition que cet outil pourra s’inscrire dans une facilitation de la relation médecin/patient.
* https://esante.gouv.fr/actualites/mon-espace-sante-presente-son-catalog…
Exergue : «La technologie fait gagner du temps et de l’efficacité aux cliniciens, mais il faut convaincre au préalable»
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