Les chirurgiens redoutent que leur formation soit raccourcie d'un an

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Publié le 07/06/2016
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Crédit photo : S. TOUBON

Le cursus des futurs chirurgiens est-il en passe d'être amputé d'un an ? C'est aujourd'hui la crainte des 12 conseils nationaux de la profession*, des collèges de spécialité et de l'Académie de chirurgie, dans un communiqué publié ce mardi 7 juin. 

Les ministères de l'Enseignement supérieur et de la Santé projettent de réduire la durée du post-internat de deux à un an, ce qui porterait la formation totale des futurs chirurgiens de 7 à 6 ans. Cette perspective s'inscrit dans le cadre de la réforme du 3cycle des études médicales prévue à la rentrée 2017, qui verra le nombre de spécialités chirurgicales proposées aux internes passer de 5 à 12.

Un décret fixant définitivement la durée des 41 futurs DES doit être publié en juillet 2016.

Les enseignants de chirurgie et leurs instances universitaires ne digèrent pas la décision du gouvernement et s'alarment du risque de dégradation de la formation et, à terme, de la qualité de la chirurgie française.

Formation technique

Actuellement, la majorité des chirurgiens suivent une formation de sept années décomposée en cinq ans d'internat et deux ans d'assistanat. « La mise en responsabilité est une étape incontournable où le chirurgien copilote les opérations et gagne en autonomie », explique le Pr Hervé Thomazeau, chef de service de chirurgie orthopédique et traumatologique au CHU de Rennes et président du collège de la spécialité. Selon lui, les conseillers interministériels n'ont pas tenu compte des spécificités de la chirurgie. « Un chirurgien est d'abord médecin puis il doit acquérir ensuite une seconde formation technique et de plus en plus technologique », poursuit-il.

L'inquiétude des chirurgiens est d'autant plus forte que ce projet de décret vient s'ajouter à la réforme sur le temps de travail qu'ils jugent inadaptée à leur spécialité. La limitation à 48 heures hebdomadaires du temps de travail hebdomadaire fait « perdre du temps de présence des internes et contraint l'enseignement », détaille le Pr Thomazeau. « En supprimant une année de mise en responsabilité, il sera difficile d'avoir une formation complète et efficace », analyse-t-il.

La question du statut et de l'accès au secteur II

Autre sujet de crispation pour les spécialités chirurgicales, le projet de décret ne préciserait pas le statut des chirurgiens. « Il s'agit d'un point à éclaircir », commente le Pr Thomazeau.

Pour le Pr Benoît Schlemmer, chargé de piloter la réforme du 3e cycle, les préoccupations des chirurgiens ont été entendues lors de l'arbitrage. Toutefois, selon lui, le modèle actuel de formation pour les disciplines chirurgicales est « dépassé ». « Les internes démarrent réellement la spécialité choisie qu'à partir du 3e ou 4semestre, explique-t-il. La filiarisation prévue dans la réforme du 3e cycle permettra à tous les internes de passer 6 mois dans leur discipline dès la première année. » Il n'y a donc pas de perte de temps d'autant plus que les tutelles ont choisi de passer à la vitesse supérieure en matière de formation dans les centres de simulation, estime l'ancien doyen de Paris VII.

Le statut des futurs chirurgiens en formation est encore en discussion. Si leur cursus venait à passer à six ans, les chirurgiens souhaiteraient que les deux dernières années correspondent au statut d'assistant actuel, ce que refusent catégoriquement les tutelles. « Ce serait une ouverture au secteur II qui créerait des inégalités avec les autres spécialités médicales », rapporte le Pr Schlemmer.

Les syndicats d'étudiants (ANEMF), internes (ISNI), de chefs de clinique (ISNCCA) ainsi que la conférence des doyens ont d’ores et déjà validé le projet. Les universitaires espèrent toujours avoir gain de cause.

Les arbitrages définitifs seront rendus dans les prochaines semaines par le ministère de la Santé après l'avis de deux commissions indépendantes.

* Chirurgie orale, orthopédique et traumatologique, infantile, plastique reconstructrice et esthétique, thoracique et cardiovasculaire, vasculaire, viscérale et digestive, obstétrique, neurochirurgie, ophtalmologie, ORL et cervico-faciale, et urologique.


Source : lequotidiendumedecin.fr