Longtemps réticents au développement de la e-santé, notamment pour des raisons de sécurité et de confidentialité, les médecins allemands avancent à marche forcée dans ce domaine depuis que le gouvernement, en 2019, a lancé son plan de santé numérique. Celui-ci introduit notamment l’ordonnance électronique obligatoire pour toutes les prescriptions, à compter de janvier 2022, et permettra aussi aux patients de consulter dès cet été leur dossier médical en ligne. La crise du Covid, imprévue à l’époque, a encore accéléré les évolutions, notamment en matière de téléconsultations, d’autant que les médecins avaient enfin accepté quelques mois plus tôt la généralisation des téléprescriptions.
Les « applis sur ordonnance » remboursables, ou DiGA (Digitale Gesundheitsanwendung) constituent selon Jens Spahn une « première mondiale ». Il existe aujourd’hui plus de 100 000 applis de santé téléchargeables, mais seules une dizaine correspondent actuellement aux critères exigés pour devenir des DiGA. Elles doivent d’abord répondre à un véritable besoin sanitaire et faire la preuve de leur utilité, tant pour le patient que pour le médecin prescripteur.
Un fabricant d’applis doit, tel un industriel désirant mettre sur le marché un nouveau médicament, déposer un dossier auprès de l’Institut Fédéral du médicament et des produits de santé qui en effectuera une évaluation très poussée, y compris sur le plan financier. Si l’appli est retenue parmi les DiGA, son prix sera librement fixé par le fabricant durant la première année de mise sur marché, puis réétudié ensuite en fonction du service rendu, comme pour les AMM des médicaments.
Les caisses de maladie prendront en charge non seulement le prix de l’appli, mais aussi les honoraires liés à sa prescription, soit 9,38 euros par prescription, incluant la présentation de la DiGA au patient. Cette somme s’ajoutera aux autres gestes réalisés pendant la consultation, sachant qu’il n’y a pas, en Allemagne, de « lettre clé » forfaitaire comme nos C ou CS, mais un ensemble variable de points qui composent le montant de chaque consultation.
En janvier 2021, une dizaine de DiGA, dont la moitié relative aux troubles anxieux et aux attaques de panique, étaient déjà téléchargeables en ligne. Les autres DiGA concernent les acouphènes, le suivi de certains AVC, la fatigue liée à la sclérose en plaques, les migraines, l’insomnie et certaines douleurs rhumatismales. À l’image là aussi des médicaments, les prescriptions de DiGA ont une validité de quelques mois, et doivent si besoin être renouvelées.
Médecins partagés, caisses réticentes
Si le système doit faire gagner du temps aux médecins et limiter les consultations, il n’enthousiasme guère les caisses de maladie : les DiGA prescriptibles sont bien plus onéreuses que les applis « classiques », et leur coût peut atteindre, selon l’appli, de 100 à plus de 400 euros par trimestre. Si tous les patients souffrant d’acouphènes et de troubles anxieux étaient suivis par des DiGA, cela représenterait pour les caisses une dépense supplémentaire de 1,3 milliard par an, ont calculé ces dernières.
Les médecins, eux, se montrent intéressés mais partagés. Le plus grand syndicat de médecins libéraux du pays, le Hartmannbund et un syndicat de jeunes médecins ont été chargés de sonder leurs membres à ce sujet. Sans grande surprise, ce sont les médecins les plus jeunes qui sont les plus favorables aux DiGA, lesquelles laissent par contre leurs aînés souvent perplexes.
À la fois président du Hartmannbund et, depuis 2019, de l’Ordre fédéral des Médecins, le généraliste Klaus Reinhardt estime que les médecins sont mal informés sur les DiGA. Il pense qu’ils ne les adopteront vraiment que quand ils auront compris leur intérêt pour les patients, ainsi que les avantages qu’elles offrent aux praticiens en matière de diagnostic, de traitements et de suivi entre les consultations.
Actuellement, un médecin sur quatre en a déjà prescrit ou se dit prêt à en prescrire, un sur quatre les rejette catégoriquement, surtout pour des raisons de confidentialité, et les autres sont indécis. Le Hartmannbund a d’ailleurs lancé des séminaires de formation en ligne pour ses adhérents, qui souhaitent d’abord « apprendre à parler de ces dispositifs à leurs patients ». Gadgets ou révolution transférant « le lieu du traitement du cabinet médical au salon du patient », comme l’écrit le ministère ? Réponse dans les mois qui viennent…
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