Les cocoricos sont de sortie, le prix Nobel d’économie a été décerné cette semaine au chercheur et enseignant français Jean Tirole. Le monde de la santé peut se réjouir indirectement car le lauréat s’est intéressé à ce domaine avec un regard incisif.
Parmi ses travaux récents, il y a cette note iconoclaste du Conseil d’analyse économique (CAE), publiée en avril dernier, que le chercheur avait coécrite avec les économistes Brigitte Dormont (Université Paris Dauphine) et Pierre-Yves Geoffard de l’École d’économie de Paris. Le titre de ce petit article était ambitieux : « Refonder l’assurance-maladie ». En douze pages, des pistes explosives étaient avancées dont la fin du ticket modérateur à l’hôpital (afin de réduire les inégalités d’accès aux soins) ou la mise en place d’une franchise annuelle en ville et d’une participation forfaitaire plafonnée, modulable selon le revenu du patient.
Les péchés du système mixte
Mais c’est surtout la dernière proposition qui retient l’attention. Plaidant pour un système unifié d’assurance-maladie plus performant, la note suggérait grosso modo deux scénarios exclusifs : soit supprimer la Sécu (et instaurer une concurrence régulée uniquement entre assureurs privés), soit supprimer les complémentaires santé (et créer un mode public décentralisé confiant le pilotage aux ARS). Certes, le Nobel et ses coauteurs ne s’exprimaient pas de façon aussi abrupte : « Il nous semble impératif de mettre fin [au] système mixte d’assurance », expliquaient-ils dans le résumé de l’article.
Les économistes font trois principaux reproches au système mixte actuel. Son coût élevé d’abord : les feuilles de soins des assurés sont d’abord traitées par le régime obligatoire, ce qui génère des frais de gestion à hauteur de 7,2 milliards d’euros par an, puis une seconde fois par les complémentaires pour 6,2 milliards d’euros de frais de gestion annuels ! C’est une fois de trop, jugent les auteurs.
De plus, notre modèle serait inéquitable : contrairement aux cotisations au régime obligatoire, celles versées aux complémentaires santé ne sont pas toujours proportionnelles au revenu. Enfin, notre système mixte rendrait le ticket modérateur largement inopérant, puisque ce reste à charge est en grande partie remboursé par les complémentaires. Or, il est indispensable que certaines prestations ne soient pas gratuites (pour limiter la surconsommation), argumentent les économistes.
Qui sait si Jean Tirole ne va pas utiliser son nouveau statut de Nobel d’économie pour redonner vigueur à ses propositions sur la santé ?
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