Malgré le calendrier incertain de la loi de santé (transmission au conseil d’État fin juillet, présentation en conseil des ministres en septembre 2014, examen au Parlement au premier semestre 2015...), la tension est déjà montée d’un cran dans la profession à propos de ce texte « valise », attendu et redouté.
Les syndicats de médecins libéraux n’ont pas apprécié la concertation du gouvernement, ces réunions au cours desquelles le ministère de la Santé a présenté des éléments généraux (orientations, têtes de chapitre ou « propositions » non arbitrées) mais jamais le projet de texte rédigé. Cette méthode a donné le sentiment d’un « rideau de fumée ». « Le diable se cache toujours dans les détails », résume un leader syndical qui se souvient du « choc » de la loi Bachelot (HPST) pour la médecine libérale après des mois de « pseudo-concertation » et d’états généraux.
Service territorial de la santé au public : qui aura la main ?
Plusieurs sujets crispent la profession. Le tiers payant généralisé, véritable repoussoir pour bon nombre de praticiens libéraux, a fait l’objet d’un groupe de travail spécifique pour déminer le terrain (encadré). Mais la profession redoute toujours un système chronophage, qui renforce le sentiment d’une médecine « gratuite ».
Autre dossier épidermique : le futur service territorial de santé au public censé couvrir les soins de proximité, la PDS, la prévention, la santé mentale et l’accès aux soins des handicapés (l’objectif étant d’organiser des parcours très lisibles). Les libéraux craignent que ces projets de territoire soient « hospitalocentrés », réduisant les professionnels de ville au rôle de supplétifs. « Ce n’est pas l’hôpital qui a la main et organise la médecine de ville », met en garde le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Les acteurs ambulatoires auront une chance historique, veut croire le Dr Claude Leicher (MG France). Mais le risque, c’est qu’on nous colle une administration de la santé... ». Les moyens qui seront réservés à la médecine de ville dans le budget de la Sécurité sociale 2015 seront déterminants, jugent les syndicats.
Le piège des pratiques avancées
Les futures délégations de tâches (ou de missions) sont un autre sujet sensible. La pratique ou délivrance possible de la vaccination dans les centres d’examens de santé, centres de planification ou d’éducation familiale (CPEF), dans les pharmacies, mais aussi l’élargissement des compétences vaccinales des sages-femmes est loin de faire consensus. « Ce n’est pas le geste qui pose problème mais la maîtrise du processus par le médecin traitant », souligne le Dr Leicher.
De même, l’inscription dans la loi d’un exercice en « pratiques avancées » pour les professions de santé paramédicales, permettant la reconnaissance du métier d’infirmier clinicien (cancer, maladies chroniques...), est perçu comme une menace. « Le schéma présenté, c’est "on prend une partie de l’activité de médecine générale pour la transférer", ce n’est pas ça la coopération », objecte le Dr Roger Rua, président du SML. « L’infirmière en cancérologie qui vient s’occuper du cancer à la place de l’équipe de proximité c’est non, complète le Dr Leicher. Ce n’est pas à l’hôpital de se projeter vers les spécialités ».
Nuages sur la convention
La réforme de la politique conventionnelle ne passe pas non plus. Si les syndicats ne sont pas fermés à l’idée d’adapter régionalement le cadre conventionnel national, il est hors de question pour eux de laisser les directeurs d’agence régionale de santé (ARS) prendre la main sur l’exercice libéral, en particulier sur les questions tarifaires. « C’est un point crucial pour nous, met en garde le Dr Ortiz, président de la CSMF. Il ne peut y avoir de démantèlement de la convention médicale sous couvert de territorialisation ». Le syndicat cite la permanence des soins, désormais dans le giron des ARS, « qui n’ont de cesse d’en restreindre le financement pour favoriser le secteur public ».
La question de la liberté de prescription revient également sur le tapis. Selon nos informations, le projet de loi prévoit la mise en place de « listes préférentielles de médicaments » afin de guider les prescripteurs. « Nous sommes d’accord pour la diffusion des bonnes pratiques et ce qui favorise le bon usage du médicament, précise le Dr Ortiz. Mais il n’est pas question d’avoir des listes opposables ».
Inquiétudes sur le secteur II
L’avenir du développement professionnel continu, soumis à une énième réforme, entretient le malaise des libéraux. Plusieurs syndicats redoutent une situation de cessation de paiement du dispositif à l’automne 2014 (voir ci-dessous). Or, le ministère de la Santé a proposé... une nouvelle concertation à la rentrée pour « corriger les malfaçons » et redéfinir le DPC (contenu et obligations).
Dernier motif d’inquiétude : le sort du secteur II, au regard des nouvelles obligations liées au service public hospitalier (SPH) rénové. La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a alerté sur les conséquences potentiellement fatales du « bloc d’obligations » à respecter (dont les tarifs opposables) pour les cliniques intéressées par cette démarche. Pour Lamine Gharbi, président de la FHP, « exclure les médecins en secteur II revient automatiquement à exclure l’hospitalisation privée et les médecins libéraux du SPH, ce qui n’est pas admissible ».
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