« Douloureux. Très douloureux ». Simone Verdon s'en rappelle encore, du plan social de 2012.
Une coupe de 30 % dans les effectifs non médicaux. « On a toujours su que ça allait mal. Vu ce qu'on a subi il y a cinq ans, aujourd'hui, on a envie que ça marche. » La secrétaire médicale résume la pensée de la plupart des salariés de la clinique de Bonneveine. L'adaptation au changement de patron n'est pas toujours simple, le rétablissement économique encore long mais pas question de revenir en arrière. Non, ce n'était pas mieux avant.
Situé à deux pas de la plage du Prado et des calanques, Bonneveine est un petit établissement privé non lucratif (ESPIC) de Marseille, créé en 1927. Lâchée en 2012 par le Grand conseil de la mutualité endetté jusqu'au cou, la structure a été reprise par le groupe DocteGestio. Gagner la confiance de salariés biberonnés à la culture mutualiste quand on est un spécialiste de l'immobilier novice dans la santé, Parisien de surcroît, c'était osé.
La culture du juste coût
Cinq ans plus tard, le pari est sur le point d'être gagné, au prix d'un changement radical de politique médicale, un virage ambulatoire vitesse grand V (76 % des actes désormais) et le développement d'activités externes (centre de consultations externes, imagerie, dentaire, laboratoire de biologie, optique, magasin de matériel médical) pour faire sortir les caisses du rouge vif. La clinique de Bonneveine est devenue un avatar de l'hôpital-entreprise, le résultat d'une politique de rachats de structures de santé en faillite (34 en six ans) et de préservation de l'emploi (5 000 en France) défendue par DocteGestio.
« Au rachat, on a renégocié tous les contrats et essayé d'instaurer une culture du juste coût aux personnels, illustre par l'exemple Fabrice Julien, directeur de Bonneveine. On a économisé partout sans restreindre l'investissement. Par exemple, on a acheté du matériel d'ophtalmologie à 10 000 euros plutôt qu'à 40 000. » Les personnels s'accommodent de leur nouveau patron. « Le patient est toujours notre priorité mais les Parisiens nous ont appris à mieux travailler, juge Audrey Machach, déléguée CGT de 36 ans, dont 19 à Bonneveine. Les embauches ont suivi la montée en charge de l'activité. C'est très satisfaisant ! »
Un étage consacré à l'ambulatoire
La clinique remonte donc la pente. Elle affiche une activité annuelle de 7 000 hospitalisations, 5 000 interventions et 90 000 actes externes. Le personnel est composé de 160 salariés et de près de 80 praticiens. La direction jongle avec le nombre de lits, de spécialités et de services, prônant l'« adaptabilité » et la « souplesse » de Bonneveine. La chirurgie digestive s'est transformée en hôpital de jour, dédié aux personnes âgées et en situation de handicap. Un étage entier est consacré à l'ambulatoire (40 places en ophtalmo, stomato, ORL, etc.). « J'ai pratiquement fermé tous les services qui étaient ouverts depuis des années sans activité, confirme Martine Santunione, dynamique directrice des soins. On fait encore un peu de conventionnel mais l'ambulatoire déborde. »
Les praticiens, en majorité libéraux, semblent s'être adaptés à cette nouvelle façon de penser la médecine. Au rachat, aucun n'a démissionné, assure la direction. Payés selon un système de pourcentage à l'acte, ils ont accepté une légère baisse de leurs revenus, qu'ils ont pu compenser par ailleurs par des dépassements d'honoraires (modérés et au bloc uniquement), davantage tolérés qu'à l'époque mutualiste. Orthopédiste et président de la commission médicale d'établissement, le Dr Laurent Vezin, 52 ans, apprécie les « facilités d'hospitalisation » de Bonneveine par rapport aux autres établissements dans lesquels il exerce, aux lits saturés. « Bonneveine a également un très gros pôle de spécialistes avec des passerelles entre les disciplines, ce qui est appréciable. C'est encore difficile d'être attractif, des confrères croient parfois que la clinique a fermé. Mais on commence à aller mieux. »
« Le service rendu au patient est meilleur aujourd'hui qu'en 2011 », confirme le Dr Nathalie Petit, infectiologue et nouveau médecin coordonnateur en charge de l'hospitalisation de jour. Dans le couloir central de son service, l'équipe médicale devise gaiement. Rénovées, les chambres aux couleurs vives sont vides. C'est le paradoxe de Bonneveine, hôpital qui doit sa survie à tout sauf à son activité hospitalière.
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