La scène était historique, signe (peut-être) que les lignes bougent. Invité du récent congrès de la Mutualité française pour porter la voix des médecins libéraux, le président de la CSMF a débattu avec des leaders mutualistes et le directeur de la CNAM, à l’occasion d’une table ronde tonique qui suggérait l’idée d’un partenariat sur des bases nouvelles.
Le ménage à trois n’est pas pour demain. À l’heure où la FNMF, sous la houlette de son président Étienne Caniard, ambitionne de réguler le système de santé (diminution du reste à charge, extension du conventionnement, copilotage du tiers payant), le patron de la CSMF a refroidi les ardeurs mutualistes. « Il y a une extraordinaire méfiance, sinon une défiance, des médecins libéraux, vis-à-vis des mutuelles », a lancé le Dr Jean-Paul Ortiz aux 2 000 délégués.
Engagements ou contraintes ?
Les réseaux de soins sont dans les esprits. La Mutualité met en avant ses résultats dans les secteurs dentaire, optique, et de l’audioprothèse, seuls domaines où la loi lui permet aujourd’hui, via des réseaux, de baisser les prix et de diminuer le reste à charge des patients (avec l’objectif de le supprimer).
Elle voudrait aller plus loin mais ne veut pas braquer la profession. Avec les médecins libéraux, la FNMF appelle de ses vœux, non pas des réseaux basés sur le conventionnement sélectif, mais un « cadre d’engagements réciproques » où les compléments tarifaires négociés seraient corrélés à des engagements qualitatifs et des modes d’organisation. Lors du congrès de Nantes, François Hollande a souhaité que les mutuelles « qui ne sont pas seulement des payeurs » jouent un rôle dans la politique conventionnelle, citant le contrat d’accès aux soins (CAS) de modération tarifaire signé par 11 000 médecins.
Le patron de la CSMF a tracé des lignes rouges. Pas question de laisser les complémentaires santé « américaniser » le système avec des « filières de soins fléchées », la « sélection » des praticiens par l’assureur ou des « pressions » sur les prescriptions, a prévenu le néphrologue de Cabestany. Les mutuelles n’ont nullement ces objectifs, ont répliqué Stéphane Junique, vice-président de la Mutualité, et Thierry Beaudet, président de la MGEN, deux étoiles montantes du mouvement mutualiste.
Assises
La FNMF veut rebattre les cartes d’un système conventionnel « à bout de souffle », développer le conventionnement dans les maisons de santé mutualistes. Pour amorcer un dialogue tripartite, elle propose même aux syndicats médicaux et à la CNAM de participer dès 2016, après les élections professionnelles, à des « assises » autour de trois dossiers : rémunération, accès aux soins et partenariat. « Sur la prévention par exemple, il faudra s’entendre », précise Stéphane Junique. L’invitation mutualiste a laissé de marbre le directeur de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, dont la priorité 2016 sera... la nouvelle convention médicale. « Le partenariat conventionnel est déjà ouvert, les complémentaires ne courent pas dans leur couloir », souligne-t-il.
Pour la CSMF, l’urgence serait que les complémentaires s’engagent à 100 % dans la prise en charge des dépassements maîtrisés du contrat d’accès aux soins (ce que la FNMF refuse de faire tant que le secteur II n’est pas régulé parallèlement). Chacun garde ses priorités, tout en souhaitant la poursuite du dialogue.
Dans ce contexte tendu, la généralisation programmée du tiers payant renforce la crispation. Le patron de la CSMF a souligné que le lien direct de financement faisait craindre aux médecins une « aliénation » de leur activité vis-à-vis des assureurs. La Mutualité veut surtout maîtriser son flux de paiement et s’inquiète d’une solution technique aux manettes de la CNAM qui la cantonnerait dans un rôle de payeur aveugle.
Rien ne sera simple. « Il faudra prolonger cette conversation et trouver des accords respectueux de chacun », suggère Thierry Beaudet (MGEN).
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