« Nous sommes tournés vers la reconstruction du système de santé »

LE QUOTIDIEN : Dans quelle situation sont les centres de santé aujourd'hui ?

Dr FRÉDÉRIC VILLEBRUN : Compte tenu des événements et de la situation épidémique, nous sommes résolument tournés vers l'avenir et la reconstruction du système de santé. Il y a une dynamique de développement depuis plusieurs années en France. Mais elle ne semble pas répondre entièrement aux besoins de la population. Nous ne sommes pas présents partout, il y a des concentrations dans certaines régions comme en Île-de-France.

Autre chose : nous ne sommes pas au même niveau d'accompagnement et de soutien de la part des pouvoirs publics que les maisons de santé. Nous réclamons un rattrapage beaucoup plus rapide de l'incitation à la création de centres de santé médicaux et polyvalents notamment dans les zones en état de désertification médicale avancée.

Il faut reconstruire le système de santé en lien avec l'hôpital et les libéraux. On souhaite que les centres de santé soient intégrés dans les CPTS [communautés professionnelles territoriales de santé, NDLR]. Ils doivent être le pivot d'un service public territorial de santé qui permette à la population d'avoir au moins un lieu d'accueil en secteur I avec dispense d'avance de frais sur la part obligatoire. 

Quels types d'incitations attendez-vous ?

On souhaite de la part du gouvernement une dynamique de portage sur la base d'un maillage territorial. C'est le cas avec les CPTS et nous l'encourageons. Nous ne demandons peut-être pas une loi mais au moins des instructions fortes de la DGOS [Direction générale de l'offre de soins]. Ce sera certainement le cas dans les zones prioritaires après les annonces du Ségur de la santé. Il y a en effet la volonté d'y implanter une soixantaine de centres de santé communautaires ou participatifs. Ils pourraient bénéficier d'un accompagnement des agences régionales de santé pour le financement des murs mais également pour leur fonctionnement. C'est une bonne chose.

Il faut étendre cet accompagnement à tous les centres de santé pluriprofessionnels qui ont une part médicale dans leur pratique, pas simplement dans les zones prioritaires. Il y a besoin d'un soutien structurel des pouvoirs publics pour la création et l'investissement mais aussi d'un financement pérenne car les centres de santé ont des missions qui dépassent ce qui est demandé aux libéraux. J'ai adressé un courrier en ce sens au ministre de la Santé.

Centres de santé communautaires, départementaux, multisites… de nouveaux modèles émergent, c'est une bonne chose ?

Ces exemples font partie des modèles prônés par notre union syndicale. Nous avons une vision territoriale, portée par des généralistes, des infirmières, des dentistes qui sont réellement ancrés localement, avec un volet de prévention et de santé publique. Nous partageons les mêmes valeurs avec des modes de fonctionnement différents. Nous veillons à encourager cette diversité et à accueillir toutes les formes de centres de santé dans nos futures propositions au ministère.

À l’inverse, nous sommes très vigilants quant aux centres de santé portés par des établissements lucratifs. Cela nous semble être une dérive. Par définition, dans son ADN, un centre de santé n'a pas vocation à créer de la richesse qui pourrait bénéficier à une entreprise. La richesse créée doit servir au développement du centre pour l'ouvrir à d'autres missions. Les potentiels excédents budgétaires doivent être totalement réinvestis. Ce modèle est incompatible et incohérent avec notre vision du bien commun et à l'esprit de la Sécurité sociale.