Alors que le prix des médicaments innovants fait débat depuis l'arrivée sur le marché européen du Sovaldi (Sofosbuvir) en 2014, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) se saisit de la question avec un avis musclé, adopté ce mercredi (par 176 voix à zéro).
Les innovations se multiplient et leur prix très élevé pourrait conduire à une « sélection des malades » qui en bénéficieront, font valoir les co-rapporteurs, Catherine Pajarès y Sanchez et Christian Saout. Ils font valoir qu'une telle procédure a été mise en œuvre lors de l'arrivée du Sofosbuvir, au départ réservé prioritairement aux patients les plus atteints.
Un nouvel indicateur pour les innovations de rupture
Le CESE énumère plusieurs recommandations pour pérenniser l'accès de tous aux traitements innovants. Pour rendre le système plus transparent, il réclame la mise en place d'études prospectives sur l'impact financier des nouveaux traitements dans la décennie à venir, pourquoi pas réalisées par la Cour des comptes.
Maîtriser les outils de fixation des prix est essentiel. Le CESE juge que l'approche actuelle (service médical rendu et amélioration du SMR) n'est pas pertinente pour des innovations de rupture. L'instance suggère d'étudier pour ces innovations de rupture la faisabilité d'un indicateur unique, comme l'index thérapeutique unique (ITR).
La participation des associations de patients et d'élus aux instances de régulation doit être améliorée. Le CESE souhaite que cette participation, et celle de l'assurance-maladie, soit garantie dans toutes les instances de fixation et régulation prix des médicaments.
Évaluation en vie réelle
Autre proposition : le CESE suggère de privilégier l'évaluation de l'efficacité « en vie réelle » pour les médicaments coûteux de façon à permettre une révision ultérieure des prix.
Le CESE invite les états membres de l'UE à davantage de coordination en matière de méthodes d'évaluation et à plus de transparence sur les prix négociés par chacun, remises comprises. Le CESE milite même pour la création d'une agence européenne chargée de la fixation des prix des médicaments.
Solutions simplistes
Invitée à s'exprimer, Marisol Touraine a rappelé le chemin parcouru depuis 2012 : réduction des délais pour les essais cliniques, forfait innovation pour les dispositifs médicaux, mise en place d'un fonds de financement de l'innovation pharmaceutique doté de six milliards d'euros…
La ministre a reconnu que la médecine personnalisée provoquait un changement de paradigme, du fait d'une population cible limitée, interdisant aux fabricants de se rémunérer grâce aux volumes vendus. « À l'avenir, a-t-elle conclu, il faudra sans doute prendre en compte l'efficacité individuelle du traitement dans la fixation de son prix ».
Le LEEM (Les Entreprises du Médicament) a indiqué ce mercredi partager certaines conclusions du CESE mais a aussi dénoncé des « solutions parfois simplistes », et des « propos parfois caricaturaux ». Le syndicat patronal des laboratoires se déclare opposé à l'intégration des payeurs au sein d’instances comme l'ANSM ou la HAS. « Une fausse bonne idée », alors qu’il faut à ses yeux dissocier l'évaluation financière de l'évaluation scientifique. Le LEEM s'élève contre les accusations de manque de transparence. « Ne pas confondre complexité et opacité », prévient l'institution qui rappelle que le Comité économique des produits de santé (CEPS) publie chaque année un rapport détaillé.
L'organisation patronale estime que le prix des médicaments innovants ne menace pas le budget de l'assurance-maladie. « À titre d'exemple, le coût des anticancéreux ne représente que 2 % des dépenses », fait valoir le LEEM, qui partage toutefois l'analyse du CESE sur la nécessité de trouver de nouveaux modes de financement pour les traitements innovants ou sur l'importance de mener des études en vie réelle.
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