S’il y a un diagnostic qui fait consensus, c'est celui du dysfonctionnement des mécanismes de régulation. Hôpitaux, libéraux, industriels : personne n'y trouve son compte. En commandant une task force sur le sujet, le gouvernement a montré sa volonté de faire bouger les lignes.
À l'occasion d'un récent colloque organisé par le Conseil d'État, les acteurs de la régulation – État, autorités, syndicats… – ont mesuré l'urgence de réformer les modes d'attribution des ressources et de contrôle des dépenses. Le système de santé français est devenu « un vaste Monopoly récent et foisonnant de régulateurs », ironise Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé à Sciences po et président de la section sociale du Conseil d'État.
Déconcentration
Pour Cécile Courrèges, directrice générale de l'offre de soins (DGOS), deux évolutions structurelles doivent être encouragées en matière de régulation.
La première remonte à 2010 avec la création des agences régionales de santé (ARS), une déconcentration qualifiée de « choix fondamental » par l'ex-directrice de l'ARS Pays de la Loire. « Bien souvent, on continue de penser que la réalité de l'offre de soins se décide à la DGOS (ministère) alors que ce sont les ARS qui ont tous les outils de la régulation aujourd'hui. » Aucun gouvernement n'est allé toutefois jusqu'à l'instauration d'objectifs régionaux de dépenses maladie (ORDAM), préconisée par certains experts. La déconcentration oui, la régionalisation pas encore.
Le mouvement qui va vers une implication accrue des acteurs locaux aux décisions séduit également la directrice de la DGOS. « Ceux qui croient encore que c'est par la toute-puissance de l'autorité publique qu'on fait bouger les choses se trompent beaucoup », tance Cécile Courrèges. « Fondamentalement, la transformation se fait par l'accompagnement territorial des acteurs et en acceptant la diversité des réponses ».
Une position partagée par le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, attaché à la liberté d'exercice et d'initiative, et qui revendique une régulation basée sur « la confiance aux acteurs ». Le patron du premier syndicat médical s'agace à cet égard de « l'extraordinaire diversité du fonctionnement des ARS ». À la tendance « normative » de certaines agences, il préfère la position « animatrice » des autres avec lesquelles il se dit prêt à travailler « en co-construction », y compris par le biais de contrats collectifs territoriaux.
Un contrôle par les prix qui a vécu
Plus encore que la gouvernance, c'est la régulation financière qui mécontente. Nicolas Revel, directeur de l'assurance-maladie, en convient : si la régulation par les prix est « probablement celle qui a produit le plus d'effets ces dernières années », il est temps de réviser ce système. « L'enjeu est de passer d'une régulation par les prix à une régulation sur la pertinence des pratiques et l'efficience des organisations », défend le patron de la CNAM.
Procureur d'un système qu'il juge obsolète et au détriment des hôpitaux (voir ci-contre), le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, vient lui aussi de réclamer à Agnès Buzyn un modèle de régulation basé sur la pertinence des actes.
Agnès Buzyn a les cartes en main. En proposant une approche pluriannuelle systématique (pour l'allocation des budgets et la fixation des tarifs) et en misant sur la pertinence des soins – plutôt que le rabot – pour retrouver des marges, le rapport de Jean-Marc Aubert (ci-dessous) a posé les bases d'un « big bang » de la régulation. Sera-t-il entendu ?