QUI A DIT que la santé serait absente de l’élection présidentielle ? Si le sujet n’est pas encore prédominant dans la campagne (la crise, la dette et le chômage écrasent tout), un sérieux coup d’accélérateur s’est produit ces derniers jours, annonçant peut-être une montée en puissance des thématiques « santé et protection sociale » dans le débat préélectoral. Les Français y sont prêts. Le sujet de la santé est jugé prioritaire par 79 % d’entre eux, selon un sondage Viavoice pour le CISS (collectif interassociatif sur la santé), ce qui pourrait convaincre les principaux candidats de sortir du bois.
Surtout, deux puissantes organisations viennent de marquer leur territoire sur des thèmes sensibles, quitte à bousculer un débat qui ronronnait. Au nom des hôpitaux publics, la Fédération hospitalière de France a ouvert les hostilités. Dans sa plate-forme politique, la FHF a présenté sa vision d’un service public hospitalier placé au cœur du système de santé (Quotidien du 13 janvier), un hôpital public volontiers architecte et régulateur, allant jusqu’à se substituer à la médecine libérale en cas de carence, à réorganiser les soins de proximité, à réclamer l’encadrement des dépassements…. Le tout avec un mode de financement susceptible de prélever sur l’enveloppe de la ville. Autant de propositions ciselées adressées à tous les candidats, l’objectif affiché étant d’« aider les politiques à prendre les bonnes décisions ».
La santé, sujet clivant.
La contre-attaque des libéraux de santé n’a pas tardé.Lançant la « campagne présidentielle » du CNPS (intersyndicale professionnelle réunissant des médecins, pharmaciens, chirurgiens dentistes, biologistes, auxiliaires médicaux…), le président Michel Chassang (également patron de la CSMF) n’y est pas allé par quatre chemins. « La réalité c’est qu’on est intoxiqués par l’hôpital, l’heure est plutôt à moins d’hôpital avec la réduction des séjours, l’essor de la chirurgie ambulatoire, les alternatives à l’hospitalisation, les retours précoces. L’hôpital n’a pas à faire le boulot des libéraux », a-t-il martelé.
Autoproclamé « premier parti de la santé », le CNPS détaillera le 15 mars ses propositions pour les soins de proximité (et réunira ce jour-là une convention nationale avec les prétendants à l’Élysée). Mais le CNPS fixe déjà ses lignes jaunes. La lutte contre les déserts ? « Notre position, c’est tout sauf la coercition, certains élus sont en train de perdre la boule », proteste le Dr Chassang. Une allusion à la proposition de loi coercitive sur la démographie défendue par le député du Nouveau centre Philippe Vigier, qui sera examinée le 26 janvier à l’Assemblée nationale. « C’est un texte stupide et dangereux, imaginé par quelqu’un qui ne connaît rien à notre exercice, je vois mal les députés UMP voter cette loi », veut croire Michel Chassang.
Le message est clair : à moins de 100 jours de la présidentielle, l’adoption de dispositions autoritaires aurait des effets dévastateurs. « Par le passé, les libéraux ont subi de plein fouet de très mauvaises décisions : le plan Juppé, Aubry, la loi HPST… Attention à ne pas recommencer ».
Le CNPS n’en reste pas là. Il lance une double enquête (auprès des Français et auprès des professionnels libéraux) visant à mesurer les attentes des uns et des autres en matière d’organisation des soins et de réforme. Une campagne radio est programmée en mars, qui défendra le monde libéral autour du thème « la santé ça compte ». « Naturellement », le CNPS ne donnera aucune consigne de vote, assure-t-on. Mais les libéraux de santé seront informés du positionnement des candidats.
Les états-majors « santé » mobilisés.
Du côté des principaux partis, ou dans l’entourage des candidats, les équipes « santé » s’activent pour prendre le pouls du terrain, soigner les réseaux. « Nous sommes assaillis de demandes catégorielles », affirme un membre du staff santé de François Hollande. Selon nos informations, un séminaire santé se tiendra au début du mois de février, à Paris, qui sera conclu par le candidat socialiste. La commission santé, boîte à idées du projet présidentiel, a planché sur trois thématiques : l’hôpital, les inégalités géographiques et les renoncements aux soins. « Ce sont trois dossiers clivants », justifie Claude Pigement, un des membres de l’équipe santé de François Hollande.
L’UMP n’est pas en reste. Chargé de la commission « professions de santé » au parti présidentiel, le député UMP du Loiret, Jean-Pierre Door, multiplie les contacts. « On voit beaucoup de monde, on rassure. Par exemple, la proposition de loi Vigier est grotesque et irresponsable. Le projet de la FHF est provocateur, je comprends les réactions épidermiques ». Même le ministre de la santé se mêle de la riposte. À peine François Hollande a-t-il suggéré, vendredi, une aide à l’installation des jeunes médecins et un lien « plus fort » entre la ville et l’hôpital, que Xavier Bertrand est monté au front. « Il n’y a rien de neuf ». La campagne santé a bel et bien commencé.
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