Face aux dommages collatéraux de la pandémie du siècle et à plusieurs défis majeurs (réforme de l'hôpital et du système de santé, dérive inédite des comptes sociaux, dépendance), Emmanuel Macron a musclé son équipe santé, à Matignon comme à Ségur. La profession jugera sur pièces si cette expertise incontestable est gage de résultats.
Tandem équilibré
À Matignon, Jean Castex, 55 ans, est un fin connaisseur du secteur. Cet énarque, conseiller référendaire puis conseiller maître à la Cour des comptes, a mis un pied dans la santé dès 2005 en prenant à 39 ans la succession d'Édouard Couty à la tête de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) pour piloter le parc hospitalier public. Ses détracteurs se souviennent qu'il fut alors un des grands architectes de la T2A – qu'il est question de réformer aujourd'hui – et un promoteur de la restructuration du système hospitalier, à l'heure où le gouvernement parle d'investissements massifs.
Mais le Premier ministre, gaulliste social, est secondé par un poids lourd issu de la gauche : il s'agit de son dircab' Nicolas Revel, ex-DG de la CNAM, apprécié aussi des syndicats de médecins libéraux pour « son écoute » et sa « très bonne connaissance » des dossiers. À son actif, nombre d'accords conventionnels sur la consultation à 25 euros, le tiers payant, la télémédecine remboursée, les assistants médicaux ou la concrétisation du reste à charge zéro...
Outre ce tandem « équilibré » à Matignon, Olivier Véran a été confirmé au ministère des Solidarités et de la Santé, où le neurologue hospitalier reprend les chantiers qu'il connaît déjà – à commencer par la réforme de la santé et la dérive vertigineuse des comptes sociaux. Il lâche en revanche le dossier hypersensible des retraites qui passe dans le giron du ministère du Travail. Davantage qu'une sanction, c'est plutôt une épine en moins pour ce quadra qui s'est retrouvé sous les feux de la rampe ces derniers mois.
Surtout, Olivier Véran est désormais épaulé par Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l'autonomie, pour piloter directement la réforme tant attendue du grand âge et du financement de la dépendance dès la rentrée. La nomination d'un ministre ad hoc était réclamée de longue date par le secteur – comme l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).
Casting à l'épreuve
Ce choix de personnalités rompues aux arcanes du monde de la santé et de la protection sociale a été plutôt salué, à commencer par les fédérations hospitalières. Pour Lamine Gharbi, patron de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le maintien d'Olivier Véran assure « la continuité de l'action publique et la connaissance des dossiers ». Depuis plusieurs semaines, l'exécutif a adressé des signaux forts au secteur privé lucratif pour lui assurer une équité de traitement (primes aux soignants, garanties de financement).
Même accueil favorable chez son homologue du secteur public. « Castex est un homme pragmatique, il ne vit pas dans le monde éthéré de la haute bureaucratie, juge Frédéric Valletoux, patron de la FHF. Il n’y a aucune raison qu’il soit sourd aux dysfonctionnements à l’hôpital ». « Si les préoccupations du monde de la santé ne sont pas entendues avec toutes ses personnes (...), c’est vraiment que nous n’avons pas de chance ! »
Ségur... et Bercy
Du côté de la médecine de ville, on refuse tout procès d'intention mais on attend des engagements fermes. « La présence de ces personnalités doit permettre à la médecine générale d'avoir des investissements », veut croire le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Le Dr Jean Paul Ortiz, président de la CSMF, table sur une enveloppe de 500 millions d'euros pour revaloriser la coordination, la visite à domicile ou les soins non programmés lors des prochaines négociations conventionnelles.
En attendant, c'est bien la réussite du Ségur – prélude à des Accords de la santé – qui aura valeur de test. Réévaluation des grilles salariales hospitalières, perspectives de carrière, simplification, réorganisation territoriale : à l'heure de la conclusion de cette concertation, paramédicaux, internes et praticiens attendaient des avancées très significatives. « L'enveloppe financière est une étape clé pour créer la confiance tant en ville qu'à l'hôpital », analyse Claude Pigement, longtemps monsieur santé du Parti socialiste.
Reste à vérifier quels poids politique aura ce Ségur face à un grand « Bercy », également renforcé autour de Bruno Le Maire, alors que la France s'apprête à connaître une des pires récessions de son histoire.
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