Trêve de paroles, enfin des actes à l'hôpital ? Ce lundi 25 mai, le gouvernement a donné le top départ de son « Ségur de la santé ». Pendant sept semaines, plus de 300 acteurs de la santé vont tirer les leçons de la crise du Covid-19 et élaborer le très attendu « plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières » promis par Emmanuel Macron le 25 mars en pleine épidémie.
À l'hôpital, les professionnels sont dans les starting-blocks et mettent la pression sur le gouvernement. Car le secteur, traversé depuis plus d'un an par un mouvement social historique, attend des engagements forts de la part de l'exécutif notamment sur les carrières, le budget, le statut ou encore la gouvernance.
Un collectif de soignants baptisé « Les jours heureux » − du nom du programme du Conseil national de la résistance (CNR) adopté dans la clandestinité en 1944 et à l'origine notamment de la Sécurité sociale, une référence déjà mobilisée par Emmanuel Macron lors de son discours du 13 avril − a publié dans « Libération » une lettre ouverte au président de la République et propose un programme à l'exécutif « pour sauver la santé ».
Contre un « retour à l'anormal »
« Monsieur le président, montrez-nous qu'on peut compter sur vous », interpellent les signataires pour l'essentiel issus des collectifs inter-urgences (CIU) et inter-hôpitaux (CIH), fers de lance de la fronde à l'hôpital public. Ils proposent six mesures d'urgence pour que « le jour d'après ne soit pas le retour à l'anormal des jours d'avant ».
Celles-ci intègrent « la gratuité intégrale » des dispositifs de protection, de dépistage et de soins liés au Covid-19, l'augmentation « autant que nécessaire » du prochain ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance-maladie), l'arrêt des fermetures de lits « et l'annulation de leurs réductions programmées », l'embauche de personnels, la revalorisation des bas salaires « pour atteindre en trois ans le niveau moyen des revenus correspondants dans les pays de l'OCDE » et « le vote d'une loi de démocratie sanitaire » consistant à associer plus étroitement soignants et usagers dans la gouvernance avec pour objectif de limiter la place de la tarification à l'activité (T2A) dans le financement des établissements et pour en finir avec la « gouvernance d'entreprise ».
En outre, Le collectif « les jours heureux » énumère cinq piliers de réforme pour « un véritable service public de santé ».
New Deal de la santé pour la FHF
La Fédération hospitalière de France (FHF) a aussi fixé six grands axes de réforme qu'elle souhaite travailler à l'occasion du « Ségur de la santé ». Son président Frédéric Valletoux veut s'engager vers un « New Deal de la santé » et « refonder le système de santé pour dessiner un modèle éthique, solide et durable ».
Il propose ainsi de refonder l'organisation et le pilotage du système de santé en unifiant la gouvernance nationale tout en réformant les agences régionales de santé (ARS) pour les rapprocher des territoires. Sur le financement, la FHF propose de remplacer l'ONDAM par un « budget national en adéquation avec les coûts engagés par les hôpitaux », soit une augmentation « de telle façon qu’un plancher de 7 % du budget puisse être dédié à l’investissement, ce qui représente une hausse de 2 milliards d’euros par an ».
La fédération demande aussi un « choc d'attractivité » via la revalorisation des débuts de carrières des métiers jugés « prioritaires » (agent des services hospitaliers, aides-soignants, infirmiers, agents d’entretien qualifié) afin d'en finir avec les « primes rustines ». La FHF en retient néanmoins trois pour l'ensemble des corps : prime d’engagement individuel, prime d’intéressement collectif et prime de responsabilité managériale et/ou d’expertise pour les métiers d’encadrement.
Pour les praticiens hospitaliers, l'organisation dirigée par Frédéric Valletoux propose la création de deux nouveaux échelons en fin de carrière, la rémunération de l'activité non-clinique et une revalorisation des gardes contre une obligation de participer à la permanence des soins (PDS) « pour l’ensemble des médecins et chirurgiens exerçant une discipline à garde lorsque la situation sur le territoire le justifie ».
Le quatrième axe évoqué est celui du grand âge et de l'autonomie, sujet sur lequel un grand plan d'investissement est toujours attendu.
Arlésienne de la fédération, la responsabilité populationnelle et la régionalisation de l'offre de soins, à travers notamment un objectif régional de dépenses d'assurance-maladie fait figure de cinquième pilier de ce « New Deal de la santé ». La FHF entend notamment « renforcer la place de la médecine de ville, des pharmaciens et des paramédicaux de ville comme première ligne de l’offre de soins, ce qui implique la constitution obligatoire en communauté professionnelle territoriale de santé ». Les CPTS doivent par ailleurs être en charge de la PDS ambulatoire.
Pour finir, la FHF appelle de ses vœux une refondation de la politique européenne en matière de santé avec une meilleure coopération entre le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Nouveau contrat social »
Du côté des syndicats de praticiens hospitaliers (PH) aussi les attentes sont fortes. L'INPH appelle à l'instauration d'un « nouveau contrat social » visant à « redéfinir les missions de l'hôpital public et sa gouvernance ».
Le SNPHARe s'est ému de n'avoir pas été convié directement au « Ségur de la santé » − il y est représenté par son intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) − mais formule malgré tout trois « volontés de clarification ». Celle du décompte du temps de travail pour les PH, celle du partage des missions entre secteur public et secteur privé et celle de la construction des projets d'établissements.
Réclamant une place à la table des négociations, les jeunes veulent également marquer le coup. Dans un communiqué commun, internes en médecine (ISNI, ISNAR-IMG), en pharmacie et en biologie médicale (FNSIP-BM) et en odontologie (SNIO) « exigent une augmentation de leur salaire et des indemnités de gardes et d'astreintes ». L'ISNI soutient en particulier une « augmentation immédiate de 300 euros brut mensuels pour tous les personnels de l’hôpital et de tous les internes ».
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