« Une véritable transformation de notre système de santé s'impose ». À moins de deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) souhaite faire bouger les lignes sur tous les sujets avec son propre programme santé – de la formation aux carrières, des rémunérations aux compétences, des parcours de soins à la prévention !
En formulant une cinquantaine de propositions – nourries par sa grande consultation « Soigner demain » auprès de près de 17 000 médecins – l'institution montre en tout cas qu'elle ne se résout pas au statu quo après deux réformes (loi Touraine, loi Buzyn) jugées décevantes au regard de l'« altération structurelle » du système de santé.
Responsabilité populationnelle et forfaits MTP
Pour garantir le principe d'« égalité républicaine » dans l'accès aux soins, priorité pour 60 % des médecins sondés, l'Ordre plaide pour une réorganisation des ressources sanitaires (humaines, matérielles) « au plus près » de chaque territoire, conçue au niveau départemental ou de l'intercommunauté (et non plus à l'échelon régional trop lointain). Élus, usagers, cabinets libéraux et établissements doivent être associés à cette nouvelle démocratie locale en santé, devenue décisionnaire.
Pour y parvenir, l'Ordre appelle de ses vœux une nouvelle gouvernance territoriale, placée sous la coresponsabilité des représentants des médecins, chargée d'une « responsabilité populationnelle collective », concept également popularisé par la Fédération hospitalière de France (FHF). L'Ordre va loin puisqu'il demande à l'ensemble des parties impliquées – professionnels de santé, établissements publics et privés, praticiens libéraux – d'assumer une « mission territoriale publique (MTP) », « obligatoire », « encadrée par le législateur » et « rémunérée sous forme de forfaits MTP ». Cette mission ne ferait pas disparaître la responsabilité individuelle du médecin.
Vaccins, Trod, médicaments : compétences partagées
À rebours d'un démantèlement des métiers subi, le Cnom veut intensifier les coopérations entre secteurs public et privé et entre professionnels de santé eux-mêmes. Si l'Ordre refuse « la fragmentation des compétences pour les redistribuer », il se dit favorable à « les partager » davantage. À ce titre, le médecin doit pouvoir dispenser des médicaments dans le cadre de la permanence des soins et être autorisé à « commander, stocker et délivrer les vaccins obligatoires de l’enfant et pour les adultes », dans le cadre du calendrier vaccinal. Selon l'Ordre, le généraliste doit également pouvoir prescrire et dispenser « la totalité des médicaments à prescription restreinte », « du matériel dans les suites de traumatismes et dans les pathologies ostéoarticulaires courantes » ou encore accéder à « l'ensemble des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) disponibles ». Au passage, l'Ordre appelle les autorités à inclure le samedi matin dans les horaires (majorés) de PDS-A et à rediscuter ces horaires localement.
Au-delà, chaque praticien devrait être valorisé dans son rôle de coordinateur du parcours de santé. Cela signifie, pour l'Ordre, la généralisation de la réunion de coordination pluripro pour les patients chroniques et sa gratification par « un nouveau forfait » pour tous les professionnels concernés « tant ambulatoires qu'hospitaliers ou salariés ». D'une manière générale, l'institution défend un élargissement des forfaits dans le cadre de suivis identifiés (ALD, polypathologies, handicap).
Carrières souples et exercices mixtes
Autre priorité : aider au maximum les médecins à regagner du temps médical, une requête forte des praticiens qui ont répondu à la consultation ordinale. À cet effet, le Cnom recommande de simplifier le dispositif des assistants médicaux, dont les résultats sont mitigés, pour assurer leur expansion. « Mettez sur le terrain 30 000 assistants, on va retrouver du temps médical ! », lance le Dr Bouet (tandis que le gouvernement s'est fixé l'objectif plus modeste de 4 000 postes en 2022).
Alors que les trois quarts des médecins expriment le vœu d'avoir une « plasticité de carrière et de pouvoir changer d'exercice », les blocages restent nombreux (revenus disparates, droits sociaux variables). C'est pourquoi le Cnom propose « d'autoriser et de valoriser le mode d’exercice mixte et/ou partagé sans altération des droits sociaux quel que soit le statut (hospitalier, salarié, libéral) », « de sécuriser l’exercice partiel dans le champ de la spécialité » ou encore « de valoriser la carrière des médecins par la certification périodique ». Autres simplifications souhaitées par l'Ordre : des avantages sociaux pour les remplaçants de médecins en zone déficitaire, l'augmentation de la durée du forfait DPC indemnisé annuel ou la suppression définitive des demandes de certificats médicaux non réglementaires, notamment pour les absences scolaires.
Côté formation initiale, l'Ordre juge urgent de professionnaliser les études médicales, en rendant effective la phase de consolidation de tous les DES, y compris pour la médecine générale (soit la quatrième année d'internat). Et pour mobiliser tous les praticiens sur la prévention, champ « délaissé » en France, l'Ordre veut l'imposer dans le cadre des études comme du DPC (orientation prioritaire). La sensibilisation contre les risques environnementaux pourrait passer par des consultations dédiées. C'est finalement la promotion d'une véritable « prévention universelle » que le Cnom appelle de ses vœux, un autre changement de cap pour notre système de santé encore très curatif.
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