« Ce n’est qu’une classification clinique », annonce en préambule le Dr Marc-Antoine Crocq, psychiatre en Alsace et coordonnateur de la traduction du DSM-5. Prenant le parti de désamorcer les éventuelles critiques contre le manuel, il ajoute : « Les affections classifiées dans cet ouvrage sont des modèles plus que des maladies réelles », ajoute le coordonnateur de sa traduction.
Pour l’un des auteurs du DSM-5, le Pr Marc Auriacombe, chercheur et psychiatre à Bordeaux, le manuel s’oriente désormais vers la « prévention » et le « repérage précoce » basés sur l’existence de thérapeutiques validées. Ce que son confrère, le Dr Claude Bursztejn, pédopsychiatre et vice-président de l’Association nationale des centres de ressources autisme (ANCRA) critique vivement. Prenant l’exemple des troubles du spectre autistique (TSA), ce dernier argumente : « Ce diagnostic rassemble des situations extrêmement hétérogènes. Je ne vois pas comment l’on pourrait en tirer une indication thérapeutique. » Pour le spécialiste, l’élargissement de certains critères et l’ajout de diagnostics, ne suffisent pas à brasser la clinique pédopsychiatrique : « Les spécificités de l’enfant sont gommées et considérées au travers du filtre des pathologies chroniques. » Alors même que, dit-il, les difficultés les plus fréquentes - absentes du manuel - motivent la majorité des consultations.
Plus pragmatique que théorique
Selon Marc-Antoine Crocq le DSM-5 reste le « gold standard » des classifications parce que la plus validée et la moins arbitraire, élaborée par un large consortium d’experts et validée par les neurosciences. Du moins était-ce son ambition car la recherche avançant à pas de géants, le DSM-5 mériterait déjà une révision… « Le DSM n’est pas figé », reconnaît le Pr Auriacombe. Encore moins son usage, qui doit s’appuyer sur une mise à jour perpétuelle des connaissances. Imparfait par essence, car basé sur des données encore lacunaires, le DSM-5 fournit néanmoins un « cadre ». Un cadre qui permet de « se prémunir contre les pratiques extrêmes », souligne le Pr Auriacombe. Plus pragmatique que théorique, l’ouvrage œuvre depuis des décennies à accorder les psychiatres sur un langage commun. Sans l’ambition de fournir un substrat théorique… si ce n’est de faciliter le débat. Quant aux conflits d’intérêts, les admettre n’est pas être dupe. Pour Marc Auriacombe, les liens avec l’industrie pharmaceutique sont inévitables, ces derniers étant les plus grands financeurs d’essais thérapeutiques. Et le Dr Crocq d’y ajouter les conflits d’intérêt politiques, économiques, académiques (etc.), invitant les psychiatres à se saisir du DSM-5, l’esprit conscient, critique et ouvert sur l’actualité scientifique.
Dr Ada Picard
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