Les leçons de l’essai thaïlandais RV144

Vaste brain storming pour un vaccin anti-VIH

Publié le 05/04/2012
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

« CETTE ANALYSE procure des indices intéressants sur le type de réponses immunitaires humaines que devrait induire un vaccin VIH préventif. En poursuivant l’exploration, cette nouvelle connaissance pourrait nous rapprocher du développement d’un vaccin VIH à large spectre de protection », estime le Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID, NIH), qui a co-fondé ce travail de recherche, avec la Bill and Melinda Gates Foundation et l’Armée américaine (US Army Medical Research and Materiel Command).

Durant trente années, depuis la découverte du VIH, les efforts pour développer un vaccin ont rencontré d’immenses difficultés.

En 2009 toutefois, le troisième candidat vaccin évalué sur le terrain (l’essai RV144 mené en Thaïlande), a protégé modestement contre l’acquisition de l’infection par le VIH-1. Les sujets vaccinés avaient en effet 31 % moins de risque d’acquérir l’infection par rapport au placebo. Ce vaccin combinait le vaccin ALVAC-VIH (vecteur canarypox exprimant des immunogènes du VIH-1) en primo-injection, et le vaccin AIDSVAX B/E (gp120 du VIH-1) en injection de rappel.

Afin d’identifier les réponses immunes (humorales, innées et cellulaires) associées à cette protection vaccinale, un consortium de plus de 100 chercheurs, provenant de 25 institutions, a entrepris une analyse cas-témoin.

L’étude porte sur l’analyse des échantillons sanguins prélevés deux semaines après la dernière immunisation chez un sous-groupe représentatif des participants vaccinés : 41 sujets qui ont contracté ultérieurement l’infection VIH-1 (cas), et 205 sujets vaccinés non infectés durant les trois années et demi du suivi (témoins).

Les chercheurs ont choisi d’examiner, après analyse préliminaire, 6 variables de réponse immune afin de déterminer les rôles des réponses des cellules T, des anticorps IgG et des anticorps IgA dans la modulation du risque infectieux.

Taux élevé d’IgG anti-V1V2 et taux faible d’IgA d’enveloppe.

Les résultats indiquent que deux de ces variables sont significativement associées au risque infectieux.

Premièrement, un taux élevé d’anticorps IgG se fixant aux régions variables 1 et 2 (V1V2) de la glycoprotéine 120 d’enveloppe du VIH-1 est associée à un risque plus faible d’infection VIH-1.

Cela est biologiquement plausible puisque cette région est associée à d’importantes fonctions comme la fixation au récepteur CD4 et au récepteur des chimiokines.

Deuxièmement, un taux plasmatique élevé d’anticorps IgA se fixant à l’enveloppe du VIH-1 semble atténuer l’effet protecteur des anticorps IgG au V1V2.

Les chercheurs concluent que « des vaccins conçus pour induire des taux plus élevés d’anticorps V1V2 et des taux plus faibles d’anticorps IgA spécifiques d’enveloppe, comparé aux taux induits par le vaccin RV144, pourraient avoir une meilleure efficacité contre l’infection VIH-1 ».

« Cette remarquable collaboration internationale pour comprendre les résultats de l’étude RV144 a permis d’émettre des hypothèses importantes que les chercheurs devront étudier », souligne le Dr Barton Haynes, directeur du Centre d’Immunologie du Vaccin VIH/Sida de l’Université de Duke (Durham, États-Unis), qui a dirigé l’étude.

Les chercheurs envisagent de continuer à examiner ces nouveaux résultats dans des études de primates non humains, en utilisant le schéma vaccinal de l’essai RV144 et d’autres vaccins.

De plus, il leur faut conduire d’autres tests pour déterminer si les taux élevés des anticorps V1V2 ont directement causé l’effet protecteur modeste observé dans l’essai RV144, ou s’ils sont simplement liés à d’autres facteurs, non encore identifiées, responsables de la protection. Ces tests permettront aussi de déterminer si la réponse des anticorps V1V2 représente simplement un marqueur de l’exposition au VIH ou une susceptibilité diminuée à l’infection VIH-1.

Moins de virus fondateurs.

Par ailleurs, puisque différents candidats vaccins pourraient protéger de manière différente contre le VIH, des études sont nécessaires pour comprendre si ces nouveaux résultats peuvent concerner d’autres types de vaccins VIH, ou des vaccins similaires dirigés contre d’autres souches VIH de régions différentes, ou d’autres voies d’exposition au VIH.

Il convient de noter que l’essai RV144 était conduit dans une population à risque faible à modéré d’acquisition hétérosexuelle de l’infection VIH-1. Des données récentes suggèrent que la transmission de l’infection entre des personnes à faible risque pourrait mettre en jeu un nombre plus faible de virus fondateurs et pourrait donc se prêter davantage à la prévention par le vaccin.

Haynes et coll., New England Journal of Medicine du 5 avril 2012, pp. 1275 et 1343

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9111