LE QUOTIDIEN : Pourquoi Donald Trump a-t-il tant de difficultés à abroger et remplacer l'Obamacare ?
VINCENT MICHELOT : Le bon respect de la procédure législative est la première raison de ce blocage. Or, son équipe n'avait prévu ni abrogation ni remplacement de l'Obamacare. Lui-même ne s'est pas investi dans le démantèlement d'une loi extrêmement complexe.
Donald Trump paie aussi les conséquences d'une relation délétère avec sa famille politique, le parti Républicain : il passe plus de temps à régler des conflits internes qu'à légiférer. De plus, la quasi-intégralité du parti est certes favorable au remplacement de l'Obamacare mais ils se montrent plus réticents pour l'abroger !
Enfin, le parti lui-même est pris en otage à la Chambre des représentants par les quarante députés du Freedom Caucus – issu de la mouvance du Tea Party. Ces ultra-conservateurs rejettent la logique d'assurance pour tous et estiment qu'une couverture santé doit relever de la responsabilité individuelle et non de celle de l’État.
Dans ces conditions, Donald Trump n'a ni les moyens personnels, ni institutionnels de sortir de l'impasse.
L'opinion publique peut-elle constituer un autre élément de blocage ?
Oui. Les Américains percevaient la loi comme une monstruosité bureaucratique très complexe, adoptée au prix de compromis à la limite de la corruption entre lobbies et sénateurs. Mais l'entrée en application de la loi a révélé le caractère fondamental de certaines mesures désormais populaires comme l'interdiction de refuser d'assurer des personnes souffrant de pathologies préexistantes, ou moyennant une prime d'assurance élevée.
Autres dispositions positives pour l'opinion : le rattachement des enfants à la couverture santé de leurs parents jusqu'à 26 ans, la couverture santé avec un bilan annuel, la prise en charge de la contraception et de la santé mentale. Ces électeurs se manifestent auprès de leurs élus démocrates ou républicains pour défendre l'Obamacare.
Quelles sont les marges de manœuvre du président américain ?
Trump est enfermé dans sa propre rhétorique de campagne. Pour lui, l'Obamacare est la pire des lois. Il souhaite en finir... tout en conservant pourtant les points les plus appréciés. Or, l'Obamacare est un tout. C'est une réforme fondée sur l'obligation individuelle d'assurance et la logique de solidarité intergénérationnelle entre les mieux portant et les malades. En termes de financement, l'un ne peut aller sans l'autre.
Le président Trump pourrait parvenir à une majorité simple dans les deux chambres du Congrès en acceptant de donner des contreparties. Il a préféré une autre stratégie par défaut. Récemment, il s'est attaqué à deux dispositions par décret. Donald Trump a suspendu des prestations rendues obligatoires par l'Obamacare (accouchement, soins pédiatriques, dépendance, etc.) et a supprimé les fonds fédéraux destinés à l'assurance des plus précaires. Son idée est claire : il veut déstabiliser le système et créer une urgence sanitaire et financière qui forcera le Congrès à légiférer.
Si l'abrogation de la loi était votée, cela déstabiliserait le marché de l'assurance santé et priverait de droits majeurs les millions d'Américains qui bénéficient aujourd'hui d'une couverture santé. Il n'existerait aucune recette magique pour prendre en charge ces soins.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes