LE QUOTIDIEN - Les tests sont-ils disponibles en France ?
Pr PATRIK YENI - Pour l’instant ils ne le sont pas. La ministre de la santé a sollicité notre avis sur les problèmes liés à leur commercialisation. Notre conclusion est de dire que des problèmes existent mais que nous pensons tous que, même avec le seul test disponible actuellement, les avantages l’emportent sur les inconvénients. Ceux qui le veulent peuvent de toutes façons déjà se procurer le test sur Internet. Lorsqu’on tape sur Google, HIV home test, une quantité de tests existe et qui n’offrent aucune garantie sur leur fiabilité et leurs performances. Mieux vaut autoriser un test dont on maîtrise l’utilisation.
Le fait que sa sensibilité ne soit pas très bonne, ne constitue-t-il pas un problème ?
C’est un problème. Mais nous avons cru comprendre que des projets de tests avec une sensibilité améliorée était déjà dans les cartons des fabricants. Nous regrettons que le seul autotest disponible légalement ait une sensibilité inférieure à celle même des TROD. Mais on peut espérer que les messages sur les performances seront entendus (c’était le cas dans l’évaluation réalisée aux États-Unis et que personnes comprendront qu’un résultat négatif ne garantit pas que la personne n’est pas affectée. Mais c’est vrai aussi pour les TROD. En termes de santé publique, la modélisation faite par les Américains a montré que quelles que soient les hypothèses choisies quant à la sensibilité du test - sauf pour les valeurs extrêmes - le rapport bénéfices-risques reste favorable, c’est-à-dire que le test permet d’éviter les transmissions secondaires. Bien sûr plus le test sera sensible, plus on évitera de transmissions secondaires.
Concrètement que doit faire une personne dont le test est négatif ?
Si elle est inquiète parce qu’elle a eu des comportements à risque, la probabilité d’un faux négatif n’est pas nulle. Le résultat doit être complété par un test conventionnel qui, lui, a une très bonne sensibilité. D’où l’importance d’un accompagnement grâce aux brochures fournies avec le test, aux campagnes de promotion du dépistage mais aussi grâce à des services d’écoute, comme Sida Info Service qui a une longue expérience dans le domaine même si l’avis ne se prononce pas sur qui doit faire cela.
L’avis demande que les tests soient largement disponibles mais ils coûtent chers, environ 29 euros (39 dollars) ?
Le test doit être disponible sur le site français du fabricant, en pharmacies et en parapharmacies. Mais il est vrai que son coût est assez élevé même si nous ne savons pas quel en sera le prix en France. C’est pour cela que nous souhaitons qu’il y ait un double circuit de distribution et que nous recommandons que notamment le milieu associatif puisse en distribuer à titre gratuit auprès de certaines populations particulièrement à risque et suffisamment marginalisées. Un peu sur le principe du préservatif. Cela évitera une inégalité trop criante d’accès liée aux coûts des tests.
Cela semble être une première en France pour le diagnostic d’une maladie infectieuse ? Est-ce une révolution ?
Au fond, l’exemple est plutôt celui de la grossesse. C’est effectivement un peu nouveau mais ce n’est pas une révolution. Cela montre que la réflexion sur le dépistage progresse ce qui est absolument nécessaire. Nous avons un outil supplémentaire qui n’est certainement pas le meilleur mais qui constitue un pas dans la bonne direction.
Le Plan national de lutte contre le VIH/sida et les IST 2010-2014 a mis l’accent sur le renforcement du dépistage notamment dans le système de soins. Nous sommes à mi-chemin et l’avis semble dresser un constat plutôt mitigé, notamment sur la réticence des médecins.
La DGS doit faire un bilan d’avancement du plan à mi étape et c’est aussi dans la mission du CNS. Nous allons commencer à travailler dessus. Mais c’est vrai que l’on sent nettement une réticence des médecins. Nous nous interrogeons sur ce dépistage en population générale qui ne semble pas fonctionner. Certains se demandent de façon pragmatique s’il faut continuer dans cette voie. Les Américains ont récemment publié des papiers confirmant que c’est ce qu’il fallait faire. Nous devons nous interroger et comprendre pourquoi cela ne marche pas.
Est-ce un problème de moyens ?
C’est trop tôt pour le dire. C’est vrai que cela coûte de dépister tout le monde et de mettre sous antirétroviraux de façon précoce, cela coûte de l’argent même si c’est un investissement à long terme à la fois pour la santé des individus et pour les dépenses de prise en charge collective. Mais je ne sais pas si cela est le véritable frein. Çà on le verra lors du bilan à mi-chemin.
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