En mars 2017, les chercheurs français du laboratoire de virologie moléculaire de l'institut de génétique humaine de Montpellier avaient soulevé l'espoir des scientifiques œuvrant dans le domaine du VIH.
Dans une lettre publiée dans « Nature », ils ont expliqué avoir identifié un marqueur spécifique des lymphocytes CD4 réservoir. Pour y parvenir, ils ont étudié, dans un modèle in vitro, 103 gènes, dont l'expression est caractéristique de l'infection latente, et parmi elle, 16 codant pour des protéines transmembranaires.
Retour au tableau noir
Leur travail a montré que CD32a, le fragment Fc du récepteur aux immunoglobulines G, est exprimé sur les CD4 réservoirs et pas sur les autres CD4. En examinant des échantillons sanguins de patients, les chercheurs montpelliérains ont observé que CD32a est présent sur la surface de 0,012 % de la population de CD4, et que ces lymphocytes hébergent jusqu'à 3 copies de l'ARN viral.
Dans une nouvelle étude publiée ce mercredi 18 avril dans « Science Translational Médecine », les chercheurs espagnols, de l'institut de recherche du Vall d'Hebron à Barcelone, et américains de l'université de Pennsylvanie, montrent que les cellules exprimant CD32a ne contiennent pas d'ADN viral. En revanche, 90 % de ces cellules contiennent de l'ARN viral, signe que des virus continuent d'être produits. Ils en concluent que la protéine CD32a n'est pas un biomarqueur des cellules infectées par un virus lattent.
Dans un communiqué de l'institut Wistar (rattaché à l'université de Pennsylvanie), le premier auteur de l'étude, le Dr Mohamed Abdel-Mohsen, estime que ce travail « prouve que cibler les cellules exprimant CD32a a peu de chance de toucher les cellules réservoirs ». Toutefois, « ce marqueur peut nous fournir un outil pour étudier la transcription des protéines du VIH. Nous devons maintenant retourner à notre tableau noir et continuer à chercher des biomarqueurs spécifiques des cellules latentes en vue de développer de nouvelles stratégies contre le VIH », indique-t-il.
Deux populations de lymphocytes
Ce constat n'est pas partagé par le Dr Monsef Benkirane, directeur de laboratoire de virologie moléculaire. « Il y a plusieurs écoles de pensée rappelle-t-il, une première qui considère que le réservoir viral n'est composé que de lymphocytes T quiescents, qui contiennent de l'ADN viral qui ne s'exprime pas. La seconde estime que l'on retrouve aussi des lymphocytes T qui produisent des virus "à bas bruit" et que c'est même de ces cellules-là que provient le rebond virémique en cas d'arrêt des traitements. »
Pour le Dr Benkirane, les nouveaux travaux publiés dans « Science Translational Medicine » montrent que le biomarqueur CD32a est spécifique de la population des cellules réservoirs exprimant du virus à bas bruit et est absent des lymphocytes T porteur des virus latents. « On n'a pas encore la preuve que le rebond de la virémie provient bien de cette population de lymphocytes », poursuit le Dr Benkirane.
Afin de trancher la polémique, l'équipe du Dr Benkirane a conçu un projet qu'il va mener avec le soutien l'ANRS (France recherche Nord&Sud Sida-hiv Hépatites) : les chercheurs ont prélevé des lymphocytes T mémoires chez des patients qui ont interrompu leur traitement jusqu’à avoir un rebond virémique. « Nous comparerons les génomes des virus circulant après interruption du traitement, à celui des virus contenus dans les lymphocytes T porteur du CD32a détaille-t-il. Nous saurons alors si les virus réapparus proviennent bien de cette population ».
À la lecture de notre article, le Dr Monsef Benkirane a tenu à réagir. Il réfute le terme « controverse scientifique » et estime qu'il n'y a pas d'opposition entre ces nouveaux résultats et ceux de l'équipe de Montpellier : « Dans notre étude, nous avons montré que CD32a est un marqueur des cellules réservoirs du VIH sans faire la distinction entre réservoir latent et non latent. Cette nouvelle étude montre que CD32a est un marqueur du réservoir non latent. L’étape suivante est de savoir quel réservoir contribue au rebond viral après l’arrêt des traitements. Cette étude représente une extension, et en aucun cas elle est en opposition avec notre découverte initiale. La population de lymphocytes T CD4, porteuses du marqueur CD32a et enrichies en ARN viral, a été identifiée chez des patients sous trithérapie pendant plusieurs années. Cette population représente donc un réservoir non latent et persistant malgré le traitement. »
Article mis à jour le 19 avril
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