Covid long : l’effort de recherche doit être intense et pluridisciplinaire, plaident des médecins auprès de l'Office parlementaire

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Publié le 12/04/2021
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Crédit photo : Phanie

Face aux symptômes « prolongés, fluctuants et multisystémiques » décrits par les patients atteints de « Covid long », il est nécessaire d’intensifier la recherche et de créer des parcours de soins pluridisciplinaires, ont insisté les participants à une table ronde organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le 8 avril. Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni ont réalisé des investissements massifs pour explorer et comprendre la persistance des symptômes − 10 à 30 % des personnes ayant eu une infection par le Covid-19 seraient affectés, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) −, l’effort français semble morcelé.

« On répond aux appels d’offres, mais il faut quelque chose de plus permanent », interpelle le Dr Nicolas Noël, interniste à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (AP-HP) et membre du groupe d’étude Comebac, qui s’est penché sur les symptômes prolongés en suivant des patients hospitalisés lors de la première vague. Publiée dans le « JAMA », cette étude a associé de nombreux spécialistes : psychiatres, neurologues, pneumologues, réanimateurs, internistes, etc. Cette pluridisciplinarité « demande des moyens, en personnel et en locaux », explique-t-il.

Des similitudes avec certains syndromes post-viraux

Si les patients connaissent une « amélioration lente et progressive avec une prise en charge », observe le Dr Thomas De Broucker, neurologue à l’hôpital Delafontaine (Saint-Denis, 93), les mécanismes de ces symptômes « imprévisibles » et « invalidants » restent mal compris, d’autant que les explorations (IRM, examen neurologique, etc.) « sont souvent négatives », poursuit-il.

Pour la Pr Dominique Salmon-Céron, infectiologue et présidente du groupe de travail de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le Covid long, ces symptômes « fluctuants » et la persistance de signes neurologiques, malgré une « amélioration globale », pourraient évoquer un syndrome post-viral. « On retrouve des similitudes entre les symptômes de Covid long et certains syndromes post-viraux, comme après la mononucléose infectieuse, avec en particulier l’existence d’une fatigue chronique majorée par l’effort », relève-t-elle, soulignant des « tableaux sont beaucoup plus complexes et plus sévères ».

Alors que les examens réalisés dans le cadre des syndromes post-viraux sont généralement normaux, il existe parfois dans le Covid long des « signes objectifs d’atteinte d’organe », poursuit-elle. Des atteintes du cœur comme des péricardites et des myocardites, des troubles de l’odorat, des troubles du système nerveux autonomes sont observés. Quant aux troubles de concentration, de la mémoire et de l’attention, ils peuvent être objectivés par des tests cognitifs. « Des tests spécialisés retrouvent également une réduction du métabolisme cérébral dans certaines zones profondes du cerveau », pointe encore l’infectiologue, rappelant l’importance « d’établir au plus vite quels sont les mécanismes d’origine de ces symptômes, (...) une condition indispensable à la mise au point d’un traitement ».

Différentes pistes de recherche

Plusieurs pistes de recherche sont sur la table et des projets d’étude sont déjà en cours en France. Parmi les hypothèses à explorer, la Pr Salmon-Céron évoque d’abord la « persistance virale faible dans des réservoirs difficiles à déceler », qui est l’objet de travaux préliminaires au sein notamment de l’Institut Pasteur. Alors que la « moitié des patients ne développent pas d’anticorps ou à des taux très faibles », la deuxième hypothèse porte sur une réponse immunitaire non adaptée ou insuffisante. Troisième piste, une inflammation persistante dans certains organes, notamment les petits capillaires sanguins, « qui expliqueraient que les troubles soient fluctuants », indique la Pr Salmon-Céron, suggérant que la question relève plus de la vascularisation que des organes eux-mêmes. Les pistes de la génétique ou de troubles psychosomatiques sont également à étudier.

Pour explorer ces hypothèses, la recherche nécessite des moyens et des collaborations internationales, notamment sous l’égide de l’OMS qui tente de coordonner le recueil de données. « Nous recevons des sollicitations, notamment des NIH pour mettre en commun les données, témoigne la Pr Salmon-Céron. Mais la recherche française est pauvre en termes de financement. Tant qu’on n’aura pas des protocoles financés de façon conséquente, on ne paraîtra pas assez ambitieux. » Les études génétiques, par exemple, sont réalisées au niveau international avec des données de milliers de patients. « Il faut créer des bases de données pour les partager avec nos collègues anglais ou américains, poursuit-elle. Ça fait six mois qu’on essaie de déposer, avec le Dr Olivier Robineau [infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, N.D.L.R.], des projets de recherche en répondant à des appels d’offres. (…) On prend du retard. »

Une prise en charge pragmatique

Le Dr Nicolas Noël déplore également le manque de réactivité pour le financement de la recherche, alors que la mise en place de « Covid Flash » au début de l’épidémie avait permis d’accélérer le lancement de projets en France. « On a besoin d’aller plus vite pour obtenir des financements pour la recherche et pour les hôpitaux. Les deux sont liés. On ne pourra pas faire de la recherche sans argent pour embaucher les personnels soignants », insiste-t-il. Investir apparaît d’autant plus crucial que « la recherche peut apporter des connaissances dans d’autres domaines, pour d’autres questions », relève le Dr Olivier Robineau, rappelant l'exemple du VIH dont la meilleure compréhension « a bénéficié à d’autres pathologies ».

En attendant de mettre au jour les mécanismes à l’œuvre dans les formes prolongées de Covid, les participants à la table ronde ont rappelé l’importance de favoriser la recherche en soins primaires et de renforcer le suivi en ambulatoire. Pour l’heure, en matière de prise en charge en ville, les réponses rapides de la HAS se veulent pragmatiques, avec des « approches thérapeutiques, mais symptomatiques », de la rééducation (olfactive, respiratoire, etc.), mais aussi une reconnaissance des situations d’exacerbation et une prise en compte de l’anxiété, rappelle la Pr Salmon-Céron. Chez les enfants, la prise en charge reste un enjeu. « C’est plus complexe car ils ne se plaignent pas, souligne la présidente du groupe de travail de la HAS. Souvent, l’alerte vient du constat d’un échec scolaire. » La HAS reviendra sur ces questions le 15 avril lors d'un webinaire à destination des praticiens.


Source : lequotidiendumedecin.fr