C’EST DANS un lieu prestigieux que Pierre Bergé a donné rendez-vous aux acteurs de la lutte contre le sida, maladie encore stigmatisée et toujours stigmatisante. Engagé de la première heure, il refuse vingt-sept ans après de céder aux sirènes de la banalisation. « Je sais que le visage de l’épidémie a changé du tout au tout et que les progrès ont été considérables », concède-t-il. Pourtant, son message reste offensif : « Vous avez tort de croire que le sida va bientôt être une maladie comme les autres. Nous avons avancé dans le tunnel mais nous sommes loin du bout. » Signe de son engagement jamais démenti et qu’il entend inscrire dans la durée, le fonds de dotation qu’il vient de créer et qu’il a présenté à l’hôtel Crillon entouré des membres du comité de lutte contre le sida chargé d’évaluer les actions à financer en priorité. Un comité souverain composé de militants de Sidaction – Bertrand Audoin, l’actuel directeur général, qui en assurera la présidence, Hugues Charbonnier, l’ancien directeur exécutif, et Éric Fleutelot, le directeur général adjoint – et de chercheurs, spécialistes reconnus – le Pr Yves Lévy qui coordonne les recherches vaccinales sur le sida à l’ANRS, et celle que Pierre Bergé présente comme « le vrai découvreur du virus du sida », le Pr Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008.
Un financement exceptionnel et pérenne.
Elle se souvient aussi des débuts : « Cela a été d’emblée une recherche pluridisciplinaire. Elle a permis ensemble d’avancer rapidement ». Une pluridisciplinarité exemplaire qui, selon elle, devrait être un aiguillon pour l’avenir, car, explique-t-elle, « beaucoup reste à faire pour améliorer le traitement et la prévention », celle qui se dessine aujourd’hui et qui ne se résume pas seulement au vaccin et aux approches classiques mais à une association de plusieurs actions, « y compris l’accès aux antirétroviraux ». Le fonds permettra « de soutenir le travail d’équipes de recherches multidisciplinaires, qui vont pouvoir travailler pendant cinq ans sur un programme qui aura été évalué avec toute la rigueur scientifique nécessaire », et surtout il va aider à attirer de jeunes chercheurs. « Ce sont eux la relève de demain », a-t-elle une nouvelle fois martelé.
Le fonds de dotation, nouvelle entité instituée par la loi de modernisation de l’économie, va disposer de 2 millions d’euros par an pendant cinq ans. Compagnon d’Yves Saint Laurent, Pierre Berger s’est retrouvé à la tête de sommes importantes après la vente exceptionnelle de la collection d’art de ce dernier en février dernier (342,5 millions d’euros pour 733 uvres, dont des Matisse, Picasso, Mondrian et Léger). « J’ai voulu en faire profiter la lutte contre le sida », dit-il, luttedont il parle comme d’un enjeu vital. L’intégralité de la prochaine vente, programmée les 17, 18 et 19 novembre prochains, sera d’ailleurs reversée au Fonds (1 200 uvres d’art exposés chez Christie’s France les 12 et 16 novembre).
C’est Sidaction, l’association qu’il a créée en 1994, qui sera chargée de gérer de gérer ces sommes, qui constituent « le plus gros don » de son histoire. « Je n’ai pas voulu donner cet argent directement à l’association pour ne pas décourager les donateurs. Sidaction a besoin d’eux et ne vit que par leur générosité même si ce ne sont que 10 ou 20 euros », a expliqué Pierre Bergé.
Le Pr Lévy, par ailleurs président du comité scientifique et médical de Sidaction, se réjouit de cette « bouffée d’oxygène pour les chercheurs ». Car la recherche, qui ne se conçoit que sur le long terme, a besoin plus que jamais de financements pérennes. Les derniers résultats de la recherche vaccinale, quoiqu’insuffisants, sont « un signal. Un pas a été franchi qui ouvre des portes. Des hypothèses ont été soulevées qu’il va falloir vérifier. Or ni l’Europe ni l’État ni un certain nombre de décideurs n’ont compris l’enjeu de cette accélération ». Tous espèrent que la démarche de Pierre Bergé en suscite d’autres. Le fonds financera en plus des programmes de recherche soumis à appel d’offres, des actions de prévention mais aussi de formation dans les pays en développement.
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