« AVEC LE PLAN national de lutte contre le VIH/sida et les IST 2010-2014 qui vient d’être rendu public, un tournant est annoncé dans la politique du dépistage du VIH », soulignent, dans le « BEH » (n°45-46), France Lert et Gilles Pialoux. Les deux éditorialistes de ce numéro thématique publié à la veille de la Journée mondiale notent 3 innovations majeures : l’incitation au dépistage en population générale à l’initiative des médecins généralistes ou des services de première ligne ; l’incitation à un dépistage régulier chaque année dans les groupes où la prévalence est élevée, tels que la population des départements français d’Amérique ou les originaires de pays de forte endémie ; la proposition d’une offre de dépistage communautaire chez les homosexuels. « De plus, l’idée d’un dépistage répété autant que nécessaire n’est plus écartée pour permettre le diagnostic au moment de la primo-infection, période à haut risque de transmission », soulignent-ils.
L’état des lieux de la situation en 2009, que dresse le « BEH » apporte des arguments en faveur de ces innovations attendues et réclamées depuis longtemps par les acteurs de la lutte contre le sida. Il constitue en quelque sorte « un point de repère pour appréhender leur impact futur », poursuivent France Lert et Gilles Pialoux. Car, insistent-ils, « il faudra démontrer par des données d’observation du contexte français ce que les modèles et la théorie laissent espérer ».
Question sur le dépistage.
Une question se pose au vu du bilan de l’activité de dépistage, qui s’est stabilisé autour de 5 millions depuis 2006 (4,9 millions en 2009) mais reste à un niveau élevé. À proposer le test à la population générale, « ne risque-t-on pas de multiplier les tests sans trouver davantage de personnes positives », questionnent France Lert et Gilles Pialoux. Plusieurs études du « BEH » permettent de lever cette crainte.
Environ 40 000 personnes ignorent encore leur séropositivité et la raison la plus fréquente du recours au dépistage parmi les 6 700 personnes qui ont découvert leur séropositivité en 2009 était la présence de signes cliniques (35 %) : 12 % à un stade symptomatique non-sida et 14 % très tardivement à un stade sida. Or, indiquent Françoise Cazein et coll., auteurs du bilan sur le dépistage, « pour la France métropolitaine, la corrélation constatée entre le nombre de sérologies par habitant et la proportion de diagnostics au stade de primo-infection ou en infection récente suggère un impact de l’activité de dépistage sur la précocité du diagnostic ».
L’étude de Yazdan Yazdanpanah et coll. suggère que la réalisation d’un test de dépistage proposé de manière ponctuelle à l’ensemble de la population améliore la survie comparée à la stratégie actuelle. La modélisation qu’ils ont réalisée montre que la réalisation d’un test VIH volontaire en routine dans la population française « réduit le délai entre l’infection et le diagnostic, augmente le taux de CD4 lors du diagnostic, améliore la survie des patients infectés, réduit les infections secondaires à dix ans pour un rapport coût-efficacité acceptable ». Toutefois, l’étude a aussi fixé les limites : au-delà d’un dispositif de rattrapage (tester les personnes qui ne l’ont jamais été), la stratégie devient peu performante. En revanche, « un dépistage plus fréquent se justifie d’un point de vue économique dans les populations qui présentent un risque plus élevé d’infection par le VIH », tels que les homosexuels, les usagers de drogues injectables et la population de Guyane.
Un engagement social fort.
Coût-efficace, le dépistage systématique est aussi bien accepté, comme le révèle l’étude d’acceptabilité et de faisabilité (ANRS/Sidaction) menée dans 27 services d’urgence d’Ile-de-France. Dans cette étude, la première de cette ampleur jamais réalisée, 6 consultants sur 10 ont accepté le dépistage par test rapide. La faisabilité a, quant à elle, été fonction du centre, les obstacles à la réalisation des tests dépendant surtout des possibilités d’organisation des services et des flux de consultants.
France Lert et Gille Pialoux soulignent « la nécessité absolue » de conserver le dépistage volontaire à l’initiative de la personne qui désire connaître son statut. Cette démarche doit rester « le cœur de la politique de dépistage », disent-ils, le dépistage à l’initiative du médecin « vient la compléter auprès des personnes moins averties et moins conscientes de leur possible exposition antérieure ». Les praticiens devront leur proposer le dépistage, « une majorité de médecins semblent prêts », signalent les éditorialistes.
Les résultats complémentaires de l’étude Prevagay confirmant la prévalence élevée (17 %) en dépit d’un recours élevé au dépistage au cours des derniers mois (62 %) avec 20 % qui ignorent leur séropositivité et des prises de risque multiples, soulignent le bien fondé du dépistage communautaire chez les homosexuels.
Dans leur éditorial, France Lert et Gilles Pialoux appellent à « un engagement social fort autour de la prévention ». Ils estiment que la remédicalisation de la prévention, le Test and Treat, actuellement au cœur des débats et des recherches, « n’est pas sans risque » si ces stratégies ne sont pas ancrées dans un tel engagement.
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