« Nous sommes véritablement dans un domaine où l’apport des technologies numériques est déjà important et le sera de plus en plus face à l’enjeu du passage d’applications in vitro à des produits in vivo », confirme Bruno Brisson, directeur général de Poietis. Cette jeune société a vu le jour en 2014, sur la base des travaux de son co-fondateur, Fabien Guillemot, alors chargé de recherche dans une unité mixte INSERM-Université de Bordeaux, dont l’équipe s’est illustrée, dès 2005, par la mise au point d’une méthode innovante de bio-impression par laser.
En 2010, le chercheur proposait sa définition de la bio-impression (1) et annonçait le défi à relever, à terme, des applications in vivo : « l’utilisation de procédés de fabrication numérique permettant d’organiser et d’assembler en 3D les constituants des tissus biologiques dans le but de produire des greffons pour la médecine régénératrice ou des modèles physiologiques pour la recherche biomédicale ». L’impression 3D avait déjà ses applications dans le monde de la santé, sur la base de matières inertes, afin de produire des prothèses notamment. En portant sur de la matière vivante cellulaire, l’enjeu prenait alors une autre envergure.
Des librairies de modèles
L’heure est maintenant à la 4D. « Cette 4e dimension correspond au temps, explique Bruno Brisson. Nous imprimons du vivant ; notre matière première est composée de cellules qui vont interagir avec un tissu biologique. Nous devons prendre en compte ce temps de maturation dès la conception du patron d’impression. » Le patron dont il est question ici est numérique ; il est créé grâce à des outils de conception assistée par ordinateur, une sorte de CAO biologique.
La fabrication additive (autre nom, générique, de l’impression 3D) est alors réalisée sur la base de cette suite logicielle de trois types de fichiers : les fichiers de conception (qui imitent les tissus), ceux qui pilotent la machine, et les systèmes qui permettent de contrôler la maturation du tissu. Représentative de la R § D du XXIe siècle, l’activité de Poietis est à l’interface de plusieurs disciplines comme en témoigne son équipe de 35 personnes qui se compose de pharmaciens, docteurs en sciences, physiciens, électroniciens, informaticiens…
À court terme, la recherche in vitro progresse avec la mise au point de modèles numériques. « On peut imaginer la constitution de librairies de modèles adaptés à diverses bio-impressions qui permettent d’être prédictif, d’anticiper l’évolution des cellules et tissus », indique Bruno Brisson.
L’horizon des applications cliniques, comme l’implantation de tissus produits artificiellement, est, en revanche, un peu plus lointain. Mais les premières collaborations ouvrent déjà sur cette perspective. Par exemple avec le département d’ingénierie tissulaire Prometheus de l’Université catholique de Louvain, en Belgique : Poietis a signé en juin un accord de recherche pré clinique de deux ans en vue de développer des médicaments de thérapie innovante dans la régénération du cartilage. Il s’agit d’utiliser la technologie de fabrication additive pour imprimer en 3D de petits agglomérats de cellules de cartilage, mis au point par Prometheus. Objectif, à terme : soigner certaines maladies osseuses ou du cartilage. Les essais cliniques sont prévus d’ici 4 à 5 ans.
[1] Dans la revue scientifique Biofabrication
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