Les personnes ayant une hépatite B chronique et également infectées par le virus de l'hépatite delta présenteraient un risque multiplié par trois de développer un carcinome hépatocellulaire par rapport aux personnes uniquement infectées par le virus B. C'est ce que révèle une méta-analyse réalisée par une équipe suisse (Université de Genève/Hôpitaux universitaires de Genève) et parue dans le « Journal of Hepatology ».
Le virus de l'hépatite delta se transmet principalement par voie sexuelle et sanguine et n'infecte que les personnes porteuses du virus de l'hépatite B. « Le virus de l'hépatite delta est déficitaire, c'est-à-dire qu'il n'est pas capable de produire lui-même les protéines de son enveloppe qui lui permettent d'entrer dans les cellules hôtes. Il utilise les protéines du virus de l'hépatite B et est donc dépendant d'une infection concomitante par ce virus pour être infectieux », explique au « Quotidien » la Dr Dulce Alfaiate, actuellement infectiologue aux Hospices civils de Lyon et première auteure de l'étude.
Une hépatite plus sévère
Selon les estimations, entre 15 et 60 millions de personnes seraient co-infectées par les deux virus dans le monde. « En France, d'après le Centre national de référence des hépatites, 5 % des 135 000 patients ayant une hépatite B développeraient une hépatite delta », précise l'infectiologue.
La co-infection peut être aiguë ou chronique. « Dans plus de 90 % des cas, si l'infection par le virus de l'hépatite delta survient chez une personne présentant une hépatite chronique, une infection chronique par les deux virus s'installe, explique la Dr Alfaiate. Et c'est dans ce cas de figure que des complications majeures telles que la cirrhose et le cancer du foie peuvent survenir ».
Ces patients co-infectés par les deux virus ont une hépatite plus sévère que les patients uniquement infectés par le virus de l'hépatite B, avec un taux de mortalité également plus élevé. « La question de savoir si ces patients allaient davantage développer de cancer a aussi été posée, alors que l'on peut penser que le cancer pourrait ne pas avoir le temps de se développer en cas de cirrhose trop sévère », note l'infectiologue.
Intérêt du dépistage
Le but de cette méta-analyse - qui regroupe les données de 93 études soit plus de 100 000 patients - était de répondre à cette question alors que les résultats des études sont discordants. « Nous avons montré que les patients infectés par le virus de l'hépatite delta avaient une probabilité 30 % plus importante de développer un cancer par rapport à ceux qui ne sont pas infectés par ce virus », résume la Dr Alfaiate.
Et en retenant les onze études jugées les plus solides sur le plan méthodologique, les chercheurs ont mis en évidence un risque multiplié par 2,77 de carcinome hépatocellulaire.
Ce constat montre l'intérêt de réaliser un dépistage systématique du virus de l'hépatite delta chez les patients souffrant d'hépatite B. « Il est recommandé en France pour ces patients, même s'il arrive encore qu'il ne soit pas fait en pratique, note la Dr Alfaiate. L'infection par le virus delta concerne principalement des populations migrantes qui peuvent échapper au dépistage ».
Le dépistage permet d'orienter la prise en charge. « Même si les traitements actuels de l'infection delta ne sont pas satisfaisants, reconnaît l'infectiologue. En effet, seul un quart des patients répond bien au traitement par interféron qui requiert des injections hebdomadaires pendant au moins un an ». D'autres traitements sont actuellement étudiés, celui de l'hépatite B ayant peu voire pas d'effet sur l'hépatite delta. L'intérêt du dépistage est aussi de prévenir les complications et de pouvoir détecter de manière précoce une cirrhose ou un cancer.
(1) D. Alfaiate et al., J Hepatol, doi: 10.1016/j.jhep.2020.02.030, 2020.
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