Comment aider les femmes porteuses d'une mutation BRCA1/2 à faire leur choix d'avoir recours ou non à une double mastectomie préventive ? Présentée au 11e congrès européen ECCO sur le cancer du sein (21 au 23 mars 2018, Barcelone), une étude néerlandaise qui a suivi pendant 20 ans près de 3 000 femmes porteuses d'une mutation BRCA1/2 ayant fait le choix d'une double mastectomie préventive ou d'une surveillance rapprochée, apporte de nouveaux chiffres sur la mortalité pour guider la décision.
Si l'intérêt de la double mastectomie par rapport à une surveillance rapprochée apparaît très clairement chez les porteuses de BRCA1, les choses ne sont pas aussi nettes en cas de mutation BRCA2, révèle la cohorte qui a inclus 1 696 femmes BRCA1 et 1 139 BRCA2. La mortalité spécifique par cancer est faible chez les porteuses de BRCA2, quelle que soit l'option choisie.
Mortalité spécifique par cancer
Paradoxalement, la survie globale était néanmoins meilleure dans le groupe opéré que dans le groupe surveillance rapprochée chez les porteuses de BRCA2. Les auteurs expliquent ce résultat contradictoire par la survenue imprévue et imprévisible d'un plus grand nombre de décès non associés au cancer du sein dans le groupe surveillance.
Comme l'a expliqué au « Quotidien » le Dr Annette Heemskerk-Gerritsen, chercheuse à la faculté de médecine Erasmus de Rotterdam : « Chez les porteuses de BRCA2, il y a eu davantage de décès de cause autre que le cancer du sein dans le groupe surveillance. Ces décès ne peuvent de toute évidence pas être empêchés par une double mastectomie, ce qui a entraîné une meilleure survie globale après mastectomie double ».
Un tiers des femmes opérées en prévention
Le suivi de ces femmes en bonne santé et sans antécédent de cancer à l'inclusion, a eu lieu à partir du diagnostic ADN, dès janvier 1995, jusqu'en juin 2017. Pendant cette période, 38 % (n = 652) des porteuses de BRCA1 et 32 % (n = 361) des porteuses de BRCA2 ont eu recours à la double mastectomie prophylactique. Les autres ont choisi l'option surveillance rapprochée.
Pour les porteuses de BRCA1 suivies en moyenne environ 9 à 11 ans, les chercheurs rapportent 7 cas de cancer du sein et 11 décès (dont 1 par cancer du sein) chez les porteuses de BRCA1 opérées quand il y en a eu 269 cas de cancer du sein et 50 décès (dont 19 par cancer du sein) dans le bras surveillance. À l'âge de 65 ans, la survie spécifique par cancer du sein était de 99,6 % dans le groupe opéré et de 93 % dans le groupe surveillance. La survie globale était de 90 % dans le groupe opéré par rapport à 83 % dans le groupe surveillance.
Pour les porteuses de BRCA2 suivies en moyenne 9 à 10 ans, il n'y a eu aucun cas de cancer du sein et deux décès dans le groupe opéré (0 par cancer du sein) par rapport à 144 cas de cancer du sein et 32 décès (dont 7 par cancer du sein) dans le groupe surveillance. À l'âge de 65 ans, même si la survie globale était meilleure dans le groupe opéré (95 %) que dans le groupe surveillance (88 %), la mortalité par cancer du sein était comparable dans les deux groupes (0 % dans le groupe opéré, 2 % dans le groupe surveillance).
« Pour les porteuses de la mutation BRCA2, la double mastectomie prophylactique semble donner la même survie spécifique par cancer du sein que la surveillance, malgré un risque diminué de cancer du sein », souligne le Dr Heemskerk-Gerritsen.
Des cancers au pronostic différent
Ces résultats sont en faveur de l'idée selon laquelle les deux mutations donnent des types différents de tumeurs. Dans l'étude, les caractéristiques des cancers associés à BRCA2 étaient plus favorables (âge plus avancé, meilleure différenciation, positivité des récepteurs hormonaux et HER2), suggérant un meilleur pronostic que les cancers associés à BRCA1.
Pour Annette Heemskerk-Gerritsen : « Pour les porteuses de BRCA2 qui se débattent avec le difficile choix entre une surveillance du cancer du sein et la double mastectomie préventive parce qu'elles souhaitent garder leurs seins et préfèrent prendre le risque de développer un cancer du sein et de subir un traitement indispensable après le diagnostic, cela peut être un soulagement de savoir que la surveillance intensive peut faire aussi bien que la double mastectomie prophylactique pour ce qui est de la mortalité spécifique par cancer. Nos résultats contribuent à une évolution vers une information personnalisée (...) ».
Pour le Pr Isabel Rubio, co-présidente du congrès et chirurgienne à la clinique universitaire de Navarre : « Ce sont des choix difficiles et chaque femme est différente. (...) Il nous faut davantage d'information pour déterminer les âges pour lesquels les femmes tirent les plus grands bénéfices de la mastectomie ou de la surveillance. »
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