Des études épidémiologiques laissent penser que le vaccin BCG utilisé contre la tuberculose pourrait réduire le risque d'infection à SARS-CoV-2 ainsi que le risque de formes sévères de la maladie Covid-19. Camille Locht, directeur de recherche INSERM à l’Institut Pasteur de Lille, travaille actuellement avec son équipe à la mise en place d'un essai clinique randomisé contrôlé pour évaluer l'intérêt du BCG.
LE QUOTIDIEN : En quoi la piste du vaccin BCG en contexte de Covid-19 semble-t-elle intéressante ?
CAMILLE LOCHT : À plus de 100 ans, le BCG est le plus vieux vaccin dont on dispose. Ses propriétés bénéfiques non spécifiques, au-delà de la tuberculose, ont commencé à être découvertes il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, le BCG est par exemple utilisé pour traiter des patients atteints de cancer de la vessie de stade T1 pour prévenir la rechute.
Des études épidémiologiques ont ensuite montré que les taux de mortalité toutes causes étaient moins élevés chez les enfants vaccinés avec le BCG, et cela ne pouvait s'expliquer uniquement par une diminution des cas de tuberculose. Le BCG semble aussi protéger contre les infections virales, et notamment les infections respiratoires. Ces propriétés protectrices non spécifiques se retrouvent aussi avec d'autres vaccins vivants comme celui de la rougeole.
Nous commençons à mieux comprendre les phénomènes en jeu au niveau immunologique. Ces effets protecteurs sont probablement liés à la capacité des vaccins vivants à stimuler la mémoire immunitaire innée et à induire une immunité innée entraînée protectrice.
Par ailleurs, des premières observations suggèrent que la fréquence de l'infection Covid-19 et sa sévérité seraient moindres dans les populations vaccinées avec le BCG. Toutefois, rien n'a encore été démontré, d'où l'importance de mener des études randomisées et contrôlées.
Quelles sont les modalités de l'étude que vous préparez en France ?
Nous travaillons avec l'équipe de la Pr Odile Launay, coordinatrice du centre d'investigation clinique (CIC) Cochin Pasteur spécialisé en vaccinologie, pour recruter un maximum de participants et démarrer les inclusions dès que possible. Nous souhaitons recruter au moins 1 000 participants non malades, en particulier des professionnels de santé qui sont les plus exposés. La moitié sera vaccinée à l'inclusion, l'autre non. Les personnes qui présenteront des symptômes susceptibles d'être liés à l'infection Covid-19 seront testées. Le suivi devrait durer 4 à 6 mois.
À noter que nous collaborons avec une équipe espagnole pour harmoniser le protocole en utilisant notamment le même BCG et le même placebo.
D'autres équipes à l'internationale s'intéressent également au potentiel du BCG. Des études ont notamment déjà démarré en Australie et aux Pays-Bas. Si le bénéfice du BCG est avéré, peut-on imaginer une vaccination à grande échelle ?
Si l'on parvient à démontrer que le BCG a un effet statistiquement significatif sur la fréquence de l'infection et sa gravité, il pourrait effectivement être utilisé en préventif, en priorité chez les personnes les plus fortement exposées au risque mais aussi dans la population générale. J'espère toutefois que d'ici nos résultats, l'épidémie sera passée. Mais nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle vague.
L'avantage du BCG est aussi que nous disposons de données solides sur sa sécurité et qu'il est uniquement contre-indiqué chez les personnes immunodéprimées. C'est aussi l'un des vaccins les moins chers au monde.
Néanmoins, si je suis convaincu à titre personnel des bienfaits du BCG, ceux-ci ne sont pas prouvés aujourd'hui. Il faut donc attendre les résultats d'études bien construites avant de se ruer dans les pharmacies.
Le vaccin de la rougeole pourrait-il aussi être protecteur contre le SARS-CoV-2 ?
Le vaccin contre la rougeole pourrait également être une piste effectivement. D'autant plus que l'on constate que les enfants sont moins atteints que les adultes par l'infection Covid-19. Une des hypothèses est qu'ils pourraient être protégés grâce aux vaccins reçus contre la rougeole et éventuellement contre la tuberculose [le BCG n'est plus obligatoire depuis 2007, N.D.L.R.]. À l’inverse, les personnes âgées, éventuellement vaccinées longtemps auparavant, ne bénéficieraient plus de cet effet protecteur.
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