DE NOTRE CORRESPONDANTE
« CETTE ÉTUDE de phase I démontre que les antirétroviraux ne se distribuent pas également a travers les tissus qui sont les plus vulnérables à l’infection VIH (tissus vaginal, cervical et rectal). Même des médicaments de classe identique comme le tenofovir et l’emtricitabine présentent des profils très différents de distribution médicamenteuse », explique au « Quotidien » le Dr Angela Kashuba (University of North Carolina, Chapell Hill) qui a dirigé ce travail.
Depuis l’année dernière, plusieurs études ont démontré que la prophylaxie pré-exposition (ou PrEP) avec des médicaments antirétroviraux constitue une approche pour prévenir la contamination par le VIH chez les personnes à risque.
Ainsi, l’essai CAPRISA a montré que l’application dans le vagin d’un gel de ténofovir à 1 %, avant et après chaque rapport sexuel, réduisait de 39 % le risque des femmes de contracter le VIH. Puis l’étude iPrEx a montré que la prise quotidienne d’un comprimé de Truvada, contenant le ténofovir disoproxil fumarate (TDF) et l’emtricitabine (FTC), réduisait de 44 % le risque de contracter le VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Deux autres études (TDF2 et Partners PrEP) ont également montré des protections de 67 et 78 % contre le VIH avec un comprimé quotidien de TDF avec ou sans FTC.
Toutefois, deux études récentes ont été négatives ; la prise orale quotidienne de Truvada (TDF/FTC) dans l’étude FEM-PrEP et la prise orale quotidienne de TDF dans un bras de l’étude VOICE n’ont pas réussi à protéger les femmes de l’infection VIH. Il en est de même pour le gel de ténofovir dans VOICE.
Ces résultats discordants pourraient-ils s’expliquer par des concentrations insuffisantes des métabolites actifs des médicaments antiretroviraux dans les tissus muqueux vulnérables ?
C’est ce que suggère l’étude de Patterson, Kashuba et coll. qui offre de nouveaux aperçus sur la distribution tissulaire du ténofovir et de l’emtricitabine.
Une dose orale à 8 hommes et 7 femmes en bonne santé.
Dans cette étude, une dose orale de Truvada a été administrée à 15 individus en bonne santé, dont 8 hommes et 7 femmes. Durant les 14 jours suivants, les concentrations de TDF et de FTC ont été dosées dans le sang et les sécrétions génitales. Les métabolites actifs intracellulaires de ces médicaments (TFV-DP et FTC-TP) ont également été dosés dans des homogénats préparés à partir des tissus rectal, vaginal et cervical.
Les résultats montrent que le TFV et le FTC sont encore détectés dans le plasma sanguin quatorze jours après l’administration d’une dose orale unique, mais que les concentrations tissulaires du TFV et FTC et de leurs métabolites respectifs durant cette période diffèrent grandement. Ainsi, le TFV tend à se concentrer dans le tissu rectal, avec des concentrations rectales de TFV et TFV-DP détectables pendant quatorze jours et cent fois supérieures aux concentrations des tissus vaginal et cervical.
Inversement, les concentrations de FTC dans les tissus vaginal et cervical sont dix à quinze fois supérieures à celles dans le tissu rectal, mais les concentrations de FTC-TP ne sont détectées dans tous les tissus que pendant deux jours après la dose orale.
Par conséquent, les faibles concentrations des antirétroviraux obtenues dans les voies génitales féminines suggèrent que la dose orale standard de TDF/FTC pourrait être insuffisante pour prévenir l’infection par le VIH.
Développer des modèles pharmacocinétiques.
« Nos résultats rendent plausibles la protection contre le VIH observée chez les hommes de l’étude iPrEx en dépit d’une adhésion quotidienne suboptimale, ainsi que l’échec de protection constaté chez les femmes du groupe TDF dans l’étude VOICE », remarque le Dr Kashuba. « Cela a des implications pour concevoir les futures études de PrEp (prophylaxie pré-exposition) car pour sélectionner les médicaments et les stratégies de dosage appropriés, il nous faut d’abord connaître quelle est la concentration du médicament cible qui protège les tissus de l’infection VIH, et savoir quelle est la concentration des médicaments que nous pouvons obtenir dans ces tissus avec la dose orale. »
« Nous nous attachons maintenant à déterminer quelles sont les concentrations des médicaments qui sont protectrices contre l’infection par le VIH et à développer des modèles pharmacocinétiques prédisant la distribution médicamenteuse dans les tissus muqueux vulnérables. »
Patterson et coll., Science Translational Medicine, 7 décembre 2011
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