Un prix peut en appeler un autre, et cela peut parfois ne pas s’arrêter là. Après plusieurs récompenses nationales dont le prix Inserm reçu en 2008, le Pr Alim-Louis Benabid, neurochirurgien au CHU de Grenoble, professeur de biophysique émérite à l’université Joseph Fourier de Grenoble, directeur de recherche Inserm « Neurobiologie préclinique » de 1988 à 2006 et membre de l’Académie des Sciences, vient de recevoir, à l’âge de 72 ans, le Prix Lasker, ce prestigieux prix américain considéré comme l’antichambre du Nobel.
La communauté internationale récompense par ce prix le Pr Alim-Louis Benabid, conjointement avec Mahlon R.Delong, de l’université Emory (Atlanta) pour « leurs contributions parallèles au développement de la stimulation cérébrale profonde à haute fréquence de noyau subthalamique, une technique chirurgicale qui réduit les tremblements et restaure la fonction motrice chez les patients atteints d’une maladie de Parkinson avancée ». Cette technique, qui est le traitement chirurgical le plus efficace, est un espoir pour les patients, quand la L-dopamine ne contrôle plus suffisamment les symptômes de la maladie. La vie de plus de 100 000 patients ayant une maladie neurologique ou neuropsychiatrique, dont 60 000 sujets ayant une maladie de Parkinson, s’en est trouvée améliorée. En France, 17 services de neurochirurgie la réalisent, avec pour les plus actifs une cinquantaine de patients par an. La cérémonie de remise du prix aura lieu le vendredi 19 septembre à New-York.
Une récompense unanimement saluée
En France, l’annonce de la récompense a été immédiatement saluée. Yves Lévy, Président-Directeur général de l’Inserm a tenu à adresser toutes ses félicitations à Alim-Louis Benabid pour ses « brillants travaux qui améliorent significativement le quotidien des malades ». Pour lui, ce prix « souligne également l’importance de mener en parallèle une recherche fondamentale et une recherche clinique de haut niveau ». Le président de la République François Hollande, a souligné « la qualité exceptionnelle » d’un travail ayant « transformé le traitement de maladies neurologiques handicapantes ». La ministre de la santé, Marisol Touraine, s’est réjouie « de la prestigieuse récompense » pour ses travaux sur la maladie de Parkinson et a précisé que « les médecins explorent également le bénéfice potentiel de cette thérapeutique dans d’autres maladies neurologiques ». Le communiqué de presse de la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est l’un des plus élogieux, Najat Vallaud-Belkacem, ayant rendu hommage au « grand scientifique », au « neurochirurgien d’exception précurseur dans son domaine » mais aussi au « grand humaniste ».
Une double formation
L’idée d’utiliser le courant électrique à haute fréquence pour traiter le mouvement anormal est venue à l’esprit du neurochirurgien, grenoblois de naissance, en cours d’intervention en janvier 1987 d’un malade souffrant de tremblement essentiel. Une découverte que le Pr Benabid attribue à sa « double formation de physicien et d’expérimentaliste ». La thalamotomie avait pour but de créer une lésion « définitive » dans le thalamus, cette région cérébrale étant une zone cible pour les mouvements anormaux. Lors de la vérification de la localisation, il a eu l’idée de tester une fréquence autre que 30 Hz, une fréquence basse qui excite les zones du thalamus et sert à repérer la zone à détruire. À partir du seuil de 100 Hz, il a observé que la neurostimulation devenait inhibitrice et supprimait les tremblements. Le neurochirurgien a alors implanté des électrodes de stimulation. Il restait à développer et mettre au point la technique consistant à implanter les électrodes directement dans le cerveau, ce qu’ont fait entre 1986 et 1991 le neurochirurgien et son équipe.
La miniaturisation à l’horizon
Une autre étape marquante a lieu il y a 20 ans. L’équipe brise un tabou, en positionnant l’électrode dans le noyau subthalamique, considéré jusqu’alors comme une « zone protégée ». La décision ne s’est pas prise au hasard mais sur les travaux du Dr Mahlon Delong, récompensé conjointement par le Lasker. « Si l’inhibition du thalamus supprime les tremblements, l’inhibition du noyau subthalamaique inhibe tous les symptômes invalidants ( tremblements, raideur, mouvements lents) et les mouvements anormaux des patients résistants à la L-dopa », a expliqué le Pr Benabid. Quelques années auparavant, le neurologue d’Atlanta, qui travaille sur le noyau subthalamaique depuis le début des années 1970, avait proposé cette région comme nouvelle zone-cible dans un modèle animal de Parkinson. Comme l’a souligné un article du Lancet publié le 9 septembre, « Alim Louis Benabid aura franchi la courageuse étape de laisser un dispositif qui enverrait un courant électrique continu ».
Pour un système invasif, la méthode a fait la preuve de son innocuité et de la biocompatibilité des implants. La miniaturisation du dispositif est l’une des pistes d’amélioration principales. C’est l’un des objectifs poursuivis par le Pr Alim-Louis Benabid, qui travaille actuellement au Clinatec*, un laboratoire de recherche biomédicale développé par le CEA en partenariat avec l’université Joseph Fourier, l’Inserm et le CHU de Grenoble, et dédié aux applications des micro-nanotechnologies dans les maladies du cerveau. « Nous mettons beaucoup d’espoir dans la stimulation lumineuse proche infrarouge, via le passage d’une fibre optique qui atteindrait les deux petites zones profondes, (le thalamus et le noyau subtahlamique). C’est l’un des défis. Son succès, en lequel j’ai foi, marquera alors une nouvelle révolution », a déclaré le Pr Benabid.
*Clinatec, centre de recherche biomédicale Edmond J. Safra, du nom de son sponsor principal, la fondation philanthropique Edmond J. Safra
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