LE QUOTIDIEN – Connaît-on le nombre exact de séropositifs en Chine ?
ÉTIENNE POIROT – Il y a 370 000 séropositifs dépistés, et le nombre estimé est de 740 000 séropositifs. Cela peut paraître peu, mais on peut difficilement comparer la prévalence d’un pays de 1,4 milliard d’habitants à celle d’un pays de 60 millions d’habitants. L’épidémie, en Chine, est concentrée dans les groupes à risque : les usagers de drogues injectables, les travailleurs du sexe et les homosexuels. Le mode de transmission dominant est hétérosexuel et on observe une féminisation de l’épidémie. 80 % des cas déclarés sont localisés dans six provinces, dont cinq sont les provinces les plus pauvres du pays.
Les autorités font-elles de la prévention ou le sujet est-il tabou ?
Le message délivré est assez fort : le gouvernement reconnaît depuis plusieurs années qu’il faut se protéger du SIDA. On assiste à des campagnes de masse, avec des stars chinoises qui appellent au dépistage. La politique centrale existe pour lutter contre les discriminations et faciliter l’accès aux antirétroviraux. Mais au niveau provincial, c’est plus difficile. Il y a une stigmatisation énorme des séropositifs en Chine. Il n’existe aucun témoignage public de séropositifs. Le dire, c’est s’exposer à être rejeté par sa famille, ses amis. C’est prendre un risque pour son emploi. Un enfant de parents séropositifs aura du mal à être accepté à l’école, même s’il est séronégatif. La discrimination existe car les modes de transmission restent mal connus : beaucoup de Chinois craignent d’attraper le SIDA par une piqûre de moustique ou une poignée de main. Des informations sur le VIH figurent sur tous les sites Internet que fréquentent les jeunes mais seuls 40 % d’entre eux savent ce que c’est.
La contamination de milliers de paysans du Henan dans le cadre d’une collecte de sang a marqué les esprits. Ces personnes sont-elles correctement prises en charge ?
Cette collecte de sang s’est faite dans des conditions déplorables au milieu des années 1990, sans seringue à usage unique. Beaucoup de personnes ont été infectées et 22 338 sont aujourd’hui sous traitement. Le gouvernement a bien réagi, il a compris qu’il y avait un problème. Le SIDA n’est plus tabou dans la Chine d’aujourd’hui. Ce qui est tabou, ce sont les prostituées, les drogués et les homosexuels. Cela dérange d’avoir des services spécialisés pour ces populations à part. Se prostituer, c’est formellement interdit. Le gouvernement commence timidement à s’adresser aux homosexuels en ville.
Quel est le coût des antirétroviraux ?
Normalement, le traitement est gratuit. Le gouvernement central veut qu’il en soit ainsi. Mais pour ceux qui vivent loin des villes, aller chercher ses médicaments suppose un trajet long et coûteux. Seulement 35 % des 190 000 patients chinois qui ont besoin d’ARV accèdent au traitement. La majorité des 65 % restants ne connaissent pas leur statut HIV, et ne cherchent pas à savoir. Officiellement, le test de dépistage est gratuit, mais par endroits, 200 yuans [23 euros] sont demandés pour payer les gants ou la seringue, et le délai pour le résultat est beaucoup trop long. Beaucoup renoncent à se faire dépister à cause du risque de stigmatisation.
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